Un marron, vol. 1 et 2

Langue : français Auteur : Denis Vierge Lieu d'édition : Saint-Denis (Réunion) Éditeur : Des Bulles dans l'océan Année d'édition : 2014 Nombre de pages : 64 p. Illustration : Couleur Format : 32 x 24 cm. ISBN : 978-2-919069-19-4 et 978-2-919069-33-0 Âge de lecture : À partir de 13 ans Prix : 14 €
Près d'une cascade, un homme, une femme et un bébé

« Effets perdus : un beau Noir malgache ». Voilà les premiers mots d’une affiche signalant la fuite d’Ulysse, esclave marron s’étant échappé d’une plantation réunionnaise et qui, depuis, vit en clandestinité dans les Hauts de l’île. Si d’autres Marrons se sont regroupés dans une sorte de village clandestin, lui préfère son indépendance ; il participe cependant avec eux à diverses razzias chez leurs anciens propriétaires, en profitant pour capturer une esclave mulâtre. Entre la femme catholique imprégnée de la culture de ses maitres et l’homme malgache empli de haine envers les esclavagistes créoles va se nouer une relation singulière. Ils seront amenés à cohabiter puis à former une véritable famille, menant une vie consacrée à la recherche de nourriture et d’un abri, ainsi qu’à fuir les chasseurs partis à leur recherche, tout en étant emplis de méfiance vis à vis d’autres esclaves échappés qu’ils seront amenés à rencontrer.

Ce diptyque de D. Vierge, dessinateur d’origine bordelaise, est un véritable coup de maitre. Richement documenté, il décrit très bien le contexte historique, l’environnement de La Réunion de la fin du XVIIIè siècle, notamment les conditions de vie des esclaves marrons, aux mœurs très différentes des colons et des esclaves des Bas de la Réunion. Mais c’est aussi une histoire captivante, sorte de robinsonnade portée par la personnalité étonnante d’Ulysse. Ce dernier refuse en effet de vivre avec d’autres par peur de la trahison ; il ne se fait par ailleurs aucune illusion quant à ses chances de rentrer sur son île d’origine. Il se sait perdu, la seule alternative qui lui reste étant de se reconstruire dans ces terres accidentées - et de se rappeler aux bons souvenirs de ses anciens maitres. Le dessin fait la part belle à la végétation luxuriante de ces régions de l’île, l’usage magnifique des couleurs permettant d’accentuer une des thématiques fondamentales de cette BD : ce rapprochement contraint d’un homme et de sa famille avec la nature. Toute leur vie quotidienne sera rythmée par une lutte quotidienne contre les éléments, lutte qu’ils jugeront cependant préférable à l’esclavage ainsi qu’à la civilisation européenne. Voilà une histoire pleine de violence et de fureur, mais, paradoxalement, profondément humaniste.

JP