Si La Fontaine parlait africain

Langue : français Auteur : Jorus Mabiala Illustrateur : Pierre Audemard Lieu d'édition : Châtenay-Malabry Éditeur : Acoria Année d'édition : 2009 Collection : Les contes de Jorus Nombre de pages : 47 p. Illustration : Noir et blanc Format : 22 x 15 cm ISBN : 978-2-35572-037-6 Âge de lecture : À partir de 8 ans Prix : 8 €
un petit garçon et une femme se regardent, de profil, face à face, sur fond bleu

Bien tentante – et déjà tentée – l’idée de faire se rencontrer contes africains et fables de La Fontaine : le fabuleux bestiaire si humain propre aux uns et aux autres est le prétexte à une invite toute naturelle… C’est ici, avec sept textes plutôt courts et largement illustrés en noir et blanc, que le conteur congolais Jorus Mabiala interpelle, en quelque sorte, le fabuliste avec références affichées parfois mais, plus souvent, discrètes, voire indéchiffrables. L’art tout africain de la fable est à l’œuvre dans un registre plutôt insolite, jouant parfois du contre-pied, laissant percer une ironie et la possible remise en question des messages du conte. Si proverbes et sentences ponctuent les textes comme on y est accoutumé, l’ironie perce et la morale s’affranchit de la tradition pour offrir des réponses à des inquiétudes bien contemporaines. Voyez cet enfant qui refuse le moindre contact avec le sol et dont la mère consulte en pure perte les féticheurs pour finir par s’entendre dire : « êtes-vous sûre mère que cette terre va m’accueillir ? » Quel réconfort apporter à l’inquiétude humaine ? Ailleurs, l’auteur incite à douter que la raison du plus fort soit toujours la meilleure comme l’assurait La Fontaine, qui se voit ici opposer une sentence africaine : « se mettre en travers du soleil ne l’empêche pas d’aller se coucher »… Ailleurs encore, comme dans « Le roi des cerfs », on s’interroge : sagesse et altruisme peuvent-ils avoir quelque poids face à l’égoïsme des maîtres du pouvoir ? Peut-être plus qu’on ne le croit…

Danseur et comédien à l’origine, Jorus Mabiala a monté la compagnie Africa graffitis avant de s’installer en France où il s’adonne à l’art du conte. Il est aussi l’initiateur d’un festival de l’oralité, « Retour au Mbongui », qui se déroule à Pointe-Noire (Congo) depuis 2000. Aussi, lecteurs parfois déroutés, avons-nous le sentiment que l’oralité sert, à l’évidence, beaucoup mieux ces textes ponctués de proverbes, espiègles (quelques allusions au « caractère congolais ») et rebondissants. Pas sûr que La Fontaine y retrouverait ses petits.

ML