Bibliothèques publiques et contexte multilingue au Maroc

Entretien avec Bouchra Latifi, responsable de la Division de la lecture publique au ministère marocain de la Culture.

Propos recueillis par Hasmig Chahinian
Photographie de Bouchra Latifi

Le Maroc est le seul pays à avoir octroyé à la langue amazighe le statut de langue officielle. L’arabe standard, le dialecte marocain, le français sont aussi présents dans le pays. Dans ce contexte, quelle est la place des langues dans les fonds des bibliothèques publiques ? Les livres en langues minoritaires trouvent-ils leur public ?

Quelles sont les langues en présence dans les bibliothèques de votre réseau ? Pouvez-vous nous donner une idée du pourcentage de chaque langue par rapport au fonds total ?

La politique documentaire du réseau de lecture publique marocain a comme objectif la dotation des bibliothèques en fonds documentaires multilingues avec le même pourcentage de représentation pour la langue arabe et les autres langues, autrement dit, un fonds documentaire initial de 1 000 titres est composé de 500 titres en arabe et 500 titres en langues étrangères.

Selon quels critères choisissez-vous les langues qui vont être représentées en littérature jeunesse dans une bibliothèque ?

Le premier critère est celui des langues utilisées dans l’Éducation nationale. En effet, pour tous les niveaux scolaires, les deux premières langues utilisées sont l’arabe et le français. D’autres langues sont introduites par la suite, notamment l’amazigh, l’anglais, l’espagnol et l’allemand. Le deuxième critère est l’instauration d’une culture d’ouverture au reste du monde.

Est-ce le même choix que vous proposez dans tout votre réseau ?

Le ministère, dans sa politique documentaire de départ, propose le même choix à tout le réseau, mais incite les directeurs régionaux de la culture à faire des acquisitions selon les spécificités et les besoins locaux, notamment en ce qui concerne les fonds documentaires en langue amazighe et espagnole.

Y a-t-il des langues que vous aimeriez voir représenter dans votre fonds, mais qui ne le sont pas par manque de livres pour la jeunesse en ces langues au Maroc ?

La bibliothèque jeunesse marocaine souffre du manque, voire de l’inexistence, de livres jeunesse en langue amazighe, plus particulièrement dans les régions à forte présence de populations amazighes.

À votre avis, les livres en arabe dialectal marocain ou en langues berbères trouvent-ils leur public ? Selon vous, la présence d’une offre éditoriale en ces langues est-elle nécessaire ?

En ce qui concerne l’arabe dialectal marocain, nous avons remarqué que les jeunes demandent massivement les quelques titres jeunesse existants dans les bibliothèques.

Mais en ce qui concerne les livres en langue amazighe, le problème est plus complexe, puisque jusqu’à présent, nous ne savons pas si ces livres doivent être écrits avec des caractères arabes, latins ou tifinaghs pour être accessibles. Certes, leur public existe, il faut juste trancher la question des alphabets à utiliser.

Comment sont animés les fonds de livres en langues minoritaires ? Les bibliothécaires font-ils appel à des intervenants extérieurs pour animer les fonds dans des langues non parlées par le personnel des bibliothèques ?

Les bibliothèques marocaines sont surtout utilisées par des enfants scolarisés qui ont les capacités de lire en arabe et en français et donc d’utiliser les fonds documentaires existants.

Cela dit, les bibliothèques offrent des animations à leur jeune public dans toutes les langues représentées dans le fonds, plus particulièrement dans le domaine du conte où des conteurs amazighs sont invités pour animer ces activités.

Quel est votre mot préféré et pourquoi ? Que vous évoque-t-il ?

Le rêve… Un mot qui résume le besoin de l’homme de rester nomade, d’abolir les murs, d’arriver au sommet de ce qu’il désire atteindre : les étoiles, un huitième ciel où il est encore possible de s’accomplir.

On ne peut savoir comment serait la vie sans le rêve. Ou bien on le sait, car il y a des moments où on est incapable de rêver et alors la vie devient difficile à supporter. Antoine de Saint-Exupéry disait : « Faites que le rêve dévore votre vie, afin que la vie ne dévore pas votre rêve. »

Pour aller plus loin

  • Les pages consacrées aux bibliothèques sur le site du ministère marocain de la Culture.

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