Langues et lecture dans les bibliothèques africaines

Par Viviana Quiñones
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Les débats, les livres et les articles sur les langues et l’écrit en Afrique sont innombrables… Cet article n’en fait pas la synthèse, mais il souhaite se pencher sur ce qui se passe concrètement sur le terrain aujourd’hui et, à partir de cette base, réfléchir aux possibilités futures. Ainsi, cet article est écritavec la collaboration de bibliothécaires travaillant dans différents pays – Sénégal, Mali, Niger, Burkina Faso, Côte-d’Ivoire, Togo, Cameroun et RDC – et dans différents contextes, allant des bibliothèques publiques dépendant de l’État aux bibliothèques associatives ou scolaires ouvertes à tous, qu’elles soient situées dans des capitales (centre-ville ou quartier), dans des grandes villes de province ou dans des villages1.

Les langues des enfants

Dans certaines villes africaines, il arrive que des enfants ne parlent que le français, parce que les parents ont choisi de ne pas leur apprendre leurs langues : « Je ne connais pas le beembe parce que mon père voulait que je sois comme un Français…»2; « nombreux sont les enfants qui ne parlent que français ou anglais, leur langue maternelle ou paternelle leur étant inconnue, parce que papa et maman ne leur parlent que le français ou l’anglais. De façon inconsciente, les parents ont ainsi privé leur progéniture de leur langue vernaculaire » (Olive Njuekou, Bamenda).

Mais les enfants africains parlent, en général, plusieurs langues. Éliane Lallement cite « le cas d’un enfant de cinq ans, fils d’un bibliothécaire du réseau Lire en Afrique, Abdel Kader Diatta, d’ethnie diola, qui est affectée en tant que professeur de français au lycée de M’bour [Sénégal], en zone sérère. Ce petit garçon parle diola à la maison – les Diolas étant très fiers de leur culture. Depuis l’âge de trois ans, il fréquente l’école coranique où l’enseignement est prodigué en arabe. Lorsqu’il joue avec ses petits voisins, ces derniers parlent sérère ou bien encore wolof, s’ils ne sont pas sérères. Son père tient à le préparer pour une entrée au CP, l’an prochain, et commence à lui parler le plus possible en français, afin de lui éviter les difficultés qu’il va immanquablement rencontrer à l’école où tout l’enseignement est en français. »

Ce multilinguisme oral généralisé n’existe presque pas à l’écrit :seulement 13 % des enfants d’Afrique francophone sont alphabétisés dans leur langue maternelle3. La grande majorité n’apprend pas à lire dans les langues qu’elle parle, mais en français. Le français n’est que très rarement la langue maternelle des enfants, et peut leur être complètement inconnu4 : l’apprentissage de la lecture, alors, « relève souvent du traumatisme »5 en zones rurales. Parmi les enfants scolarisés, certains, en grandissant, sont bons, moyens ou mauvais lecteurs, d’autres retombent dans l’illettrisme. Ces derniers, ainsi que les enfants non scolarisés, pourront parfois, à l’âge adulte, apprendre à lire dans leur langue maternelle ou dans une autre langue qu’ils maîtrisent, dans un centre d’alphabétisation proposé par l’État ou une ONG. Les enfants apprennent également d’autres langues européennes tout au long de leurs études, principalement l’anglais. Ceux de familles musulmanes (plus de 90 % au Niger, au Sénégal et au Mali) apprennent l’arabe du Coran dans les écoles coraniques ; ceux qui poursuivent dans ces écoles au-delà de l’enseignement de base lisent également des textes de littérature, de droit, d’histoire…6

Lire en français

Lire des livres importés

Et en bibliothèque, quelles langues trouve-t-on ? Cela ne surprendra guère : dans les bibliothèques, les livres sont en français. C’est la règle, elle ne se discute pas. Paul Tete Wersey (Kinshasa) affirme :« Dans cette bibliothèque, 100 % des livres sont en français. Le français est la langue officielle du pays depuis le XIXsiècle. C’est aussi la langue de l’enseignement. Un outil de travail dans la plupart des secteurs de la vie nationale. On pense en français, on écrit en français. » Et lire, c’est lire en français.

Les bibliothèques disposent souvent de quelques livres en anglais, rarement en espagnol et en allemand. Les livres en anglais proviennent, en général, de dons des États-Unis. Ainsi, par exemple, la Bibliothèque publique du District d’Abidjan propose 220 livres en anglais (pas souvent consultés) sur un fonds de 3 500 et, dans certaines bibliothèques du réseau Lire en Afrique, on trouve « des livres d’économie, de droit, de présentation des États-Unis plutôt destinés à un public d’étudiants. En général, ces livres ne sont pas utilisés, car ils ne correspondent pas aux attentes des lecteurs et sont trop difficiles à déchiffrer ».

La responsable de ce réseau fait aussi référence aux livres en arabe. D’une part, elle signale la présence d’exemplaires du Coran « en nombre, qui sont arrivés là on ne sait par quel biais : 'c’est quelqu’un qui nous a donné ça' ». D’autre part, elle signale que : « À la demande d’un bibliothécaire de Yoff – par ailleurs professeur d’arabe –, nous avons apporté, en 1996, quelques centaines de livres en arabe donnés par l’Institut du Monde arabe à Paris. Mais aucun lecteur n’était capable de déchiffrer ces livres, pas même les professeurs, pas même les bibliothécaires. Il a donc fallu trouver quelqu’un qui nous traduise les titres, afin que nous fassions des étiquettes en français, et finalement les livres sont restés dans les cartons. » Les bibliothèques de Bamako et de Zinder disposent elles aussi d’ouvrages en arabe.

Les jeunes fréquentent les bibliothèques surtout pour réussir leurs études : les pratiques de lecture sont « liées à la scolarité et à la possible ascension sociale qu’elle permet »7. Ainsi, par exemple, dans les bibliothèques bénévoles de Lire en Afrique, « les lecteurs viennent chercher des documents écrits pour pouvoir suivre leur scolarité, parce qu’il n’y a pratiquement rien à l’école et rien à la maison : ils n’ont ni manuels, ni dictionnaire ou grammaire, ils ont pour tout support écrit le cahier sur lequel ils ont recopié ce que l’enseignant a écrit au tableau noir. La cause numéro un de l’échec scolaire (très important au Sénégal) est la non maîtrise de la langue française et tout le monde en est conscient (enseignants, élèves, parents) : si tu ne comprends pas l’énoncé et ne sais pas t’exprimer correctement en français, tu n’obtiendras aucun examen et, pour commencer, tu échoueras à l’examen d’entrée en 6e. Le bibliothécaire est fier de nous annoncer le taux de réussite aux examens de ses lecteurs qui souvent avoisine les 100 %. Il est fier de nous dire que son village s’est classé premier du département aux examens et que tout le village l’a félicité. Car c’est admis par tout le monde : l’avenir passe par une scolarité la plus poussée possible pour augmenter les chances d’avoir un emploi rémunérateur » (Éliane Lallement).

Mais les bibliothèques sont des lieux de lecture « non scolaire » également… Comme pour la lecture « utilitaire », le français offre d’énormes possibilités de lecture, tant sur support papier que sur supports électroniques dont Internet, auquel de plus en plus de bibliothèques proposent l’accès. La littérature jeunesse en français est très riche en créations et en traductions d’autres langues, surtout de l’anglais.

S’il n’est pas aisé pour un enfant d’accéder au plaisir de la lecture où que ce soit dans le monde, cela l’est encore moins quand l’enfant lit dans une langue qu’il ne connaît pas bien… Se posent donc des questions propres à la lecture dans une langue non maternelle, comme celle du décalage entre le niveau de langue du texte et celui de l’enfant – c’est ainsi que dans Takam Tikou, pour chaque livre présenté, nous avions choisi d’indiquer aussi bien « le niveau de connaissance nécessaire à une lecture agréable » que « la maturité nécessaire à la compréhension de l’histoire et des images ». Les bibliothécaires du Réseau Joie par les livres de lecture critique ont maintes fois remarqué les grandes difficultés posées par la langue : « Sur la question de la langue, les remarques [des bibliothécaires] sont essentielles. La pratique de la langue française est d’autant moins familière qu’on est plus jeune. Or, c’est dans ces jeunes âges que la rencontre avec l’écrit est décisive. »8 Les plus grands, eux, ne peuvent accéder souvent qu’à des livres dont le contenu s’adresse à des plus petits et ne les intéresse guère. Le Réseau témoigne fortement, aussi, du rôle fondamental des images pour attirer les enfants vers le livre et les aider dans la compréhension de l’histoire.

Par ailleurs, les enfants des villes comme Abidjan, Douala ou Kinshasa, où plus de 90 % de la population parle français, ne retrouveront que très rarement dans les livres la variante de français qu’ils connaissent à l’oral. En effet, les livres jeunesse des bibliothèques sont importés en général de France (parfois du Québec). L’éventail de leur registre de langue est large, du plus classique au plus familier, et sur ce point « un style très parlé, direct, avec des raccourcis ou un vocabulaire familier, [est] repéré mais de manière plutôt négative : la langue semble plus abordable dans son classicisme que dans ses formes « négligées ». »9

Enfin, toute langue exprime une culture et, au-delà des questions purement linguistiques, la langue « de France » véhicule, bien entendu, un contenu venant de France (ou de Grande-Bretagne ou des États-Unis dans la plupart des ouvrages traduits), et au décalage linguistique s’ajoute alors le décalage culturel, souvent signalé par les bibliothécaires du Réseau JPL. Si la littérature étrangère est une formidable ouverture au monde, il ne peut être salutaire/souhaitable pour aucun enfant de se construire seulement avec des produits culturels étrangers.

Lire les livres africains en français

Si la grande majorité des livres des bibliothèques provient de France, les ouvrages publiés dans les pays africains, écrits en français (et illustrés) par des auteurs africains, sont de plus en plus présents. Quelles différences, au niveau de la langue, par rapport aux livres français ? D’abord, auteurs et éditeurs, conscients des difficultés, incluent souvent des notes expliquant les mots et des glossaires, appréciés des lecteurs qui ne disposent pas de dictionnaire.

Mais, surtout, les lecteurs peuvent trouver, dans ces livres et journaux, les français d’Afrique et leurs spécificités de vocabulaire, de syntaxe et de style. Les spécificités se perçoivent assez facilement au niveau du lexique : mots ou expressions peu usités en France mais vivants en Afrique, mots ou expressions dont le sens est différent dans un pays donné, termes empruntés aux langues nationales (en général, des notes ou un glossaire les expliquent, pour les lecteurs d’autres pays). Les spécificités relevant de la construction des phrases et du style sont plus subtiles – une étude littéraire passionnante reste à mener…

Qui plus est, nombre d’auteurs ouvrent la porte à d’autres langues, dont ils émaillent leur texte français. Ainsi, Mariame Gba, bibliothécaire à Abidjan, également auteur : « Dans mon livre Un village dans les montagnes, il y a un chant dans ma langue maternelle. Je trouve que c’est merveilleux de pouvoir disposer de plusieurs possibilités d’exprimer la même chose. Ce que je peux dire de façon brève et très imagée dans ma langue, je ne peux le faire en français. Donc, une autre langue, c’est une autre chance, une autre possibilité d’imagination. Et c’est pour le plaisir du lecteur ! »

Depuis La Belle histoire de Leuk-le-lièvre (1952) où les noms des personnages correspondent au mot wolof nommant chaque animal, les cas abondent dans les textes issus du patrimoine oral, mais aussi dans les autres genres : voir par exemple, parmi les dernières présentations de nouveautés dans Takam Tikou, Les Aventures de Tidiane et Djénéba (récit très illustré de la vie quotidienne, où le bambara est présent), Mama Chai (souvenirs d’enfance, kiswahili) et Le Chant du conte (contes, fon). On trouve ainsi, dans ces livres, un français « fertilisé » par d’autres langues. Sur cette question également, une belle étude est à entreprendre…

Enfin, la langue véhicule des cultures proches des lecteurs, ce qui est apprécié. Ainsi, au Réseau JPL, « dès les tout premiers commentaires reçus, s’exprime très précisément le besoin de livres qui parlent de soi, qui représentent le milieu dans lequel on vit, qui évoquent l’environnement immédiat, le monde connu. […] Les livres apportent une reconnaissance de son milieu, de son mode de vie, de son pays, de ses héros ou de ses grands hommes, et donc de soi-même. Quand c’est le cas, ils sont particulièrement loués, en des termes enthousiastes ; ils procurent un grand bonheur, une fierté. »10 Kokou Galley (Lomé) précise : « Dans les rares albums que nous avons qui sont réalisés par des auteurs togolais, les enfants se retrouvent beaucoup, de par leur proximité avec les histoires, les noms des personnages, le milieu, le sujet traité… Ils les lisent tout seuls. Ces livres ont tellement de succès que les enfants ne nous les rendent plus, et ceux qui nous restent sont presque déchirés ».

La parole en langue maternelle : le bibliothécaire-interprète

S’il est possible qu’à la bibliothèque un jeune lecteur « tombe » sur un livre donnant une petite (symboliquement, grande) place à sa langue maternelle, il est bien plus probable qu’il y entende cette langue…
D’abord, quelle langue les bibliothécaires parlent-ils avec les jeunes lecteurs ? Tous les bibliothécaires consultés affirment parler en français. Certains, exclusivement : à Kinshasa, à Bamako (« c’est la langue officielle »), à Khorogo et à Abidjan, à la bibliothèque Lucioles de Yaoundé où, dit Donald Pondi, « il serait pénible de parler une langue locale dans une assemblée cosmopolite » et « les enfants ignorent même les parlers de leurs parents », tout comme au Sénégal, dans les bibliothèques de Lire en Afrique. D’autres alternent français et langue locale : les deux bibliothécaires de Lomé s’expriment souvent en mina, langue véhiculaire de la ville ; ceux du réseau BLD de Dakar parlent souvent en wolof, langue originaire de cette ville et véhiculaire dans le pays ; à Zinder, le haoussa et l’arabe sont parlés. À Bamenda, située dans la zone anglophone du Cameroun, la bibliothécaire de l’Alliance française parle avec les enfants en anglais et en français.

Outre les conversations courantes, est-ce qu’il arrive que le bibliothécaire (ou d’autres intervenants) raconte ou lise une histoire dans une autre langue que le français ? « Non ! » dit Paul Tete Wersey à Kinshasa, et Donald Pondi, à Yaoundé, précise : « Quelques fois, pour agrémenter une histoire ou la rendre plus authentique, le conteur chante dans une langue locale (que les enfants ne comprennent même pas). Sinon, raconter ou lire dans une langue autre que le français est carrément inutile. » À Abidjan aussi, les échanges se font « essentiellement en français » mais, dit Mariame Gba, « lorsque j’organisais dans les années 1990, la Caravane du livre, au cours des animations publiques, il était demandé aux enfants qui le pouvaient de traduire les livres lus, du français vers les langues maternelles, soit baoulé, malinké, gouro, etc. Et il y avait, dans le public, des adultes parlant la même langue que les enfants pour faciliter la correction. Le public avait vraiment apprécié et c’était un bon exercice pour les enfants. J’en garde un très bon souvenir. »

En fait, la plupart des bibliothécaires consultés s’expriment souvent dans une langue autre que le français au cours des animations lecture. À Lomé, « les enfants insistent pour qu’on leur raconte les histoires en mina. Souvent, nous alternons entre le français et le mina. Nous leur lisons aussi des histoires en français, mais certains enfants ont des difficultés énormes pour comprendre. Nous leur demandons de traduire en français ce que nous leur disons en mina, et vice-versa : peu d’enfants réussissent – nous intervenons du CP1 jusqu’en 4e »… À Bamako, « les histoires sont souvent racontées aux enfants dans les différentes langues nationales du Mali selon les milieux et le public. »
Mam Samba Ba, responsable du réseau de bibliothèques de BLD, nous dit : « Dans nos animations autour du livre, nous sommes obligés, pour mieux faire passer le message, de jongler avec la langue officielle qu’est le français et l’une des langues nationales parlées dans la contrée où nous intervenons. Dans le cadre des Journées internationales du livre, nous étions partis à Kidira, à plus de 700 km de Dakar. L’animatrice de BLD, après les préalables, a commencé à raconter aux enfants une histoire en français. Elle a senti que les enfants ne comprenaient rien de tout de ce qu’elle disait. Elle s’est arrêtée et a interpellé les encadreurs pour leur demander la langue parlée dans ce milieu. À notre surprise, ce furent deux langues au lieu d’une : le pulaar et le bambara, du fait de la proximité de la ville avec le Mali. Les animations reprirent avec une première lecture en français et la traduction dans ces deux langues. Du coup, nous avons senti l’enthousiasme des enfants qui se manifestait par une participation plus accentuée. Cela nous a amenés à prendre la décision d’effectuer nos animations en alternant la langue officielle avec l’une des langues nationales parlées par notre public. » Quand les bibliothécaires de Lucioles, à Yaoundé, se déplacent dans la rue pour lire aux enfants en difficulté venant du Nord Cameroun (lire leur témoignage), un des jeunes traduit en langue foulbé : « pour moi qui lis, c’est une victoire contre la barrière linguistique dans mon pays ».

Ces témoignages coïncident parfaitement avec ceux transmis au fil des années par les bibliothécaires du Réseau JPL : ils notent le besoin de présenter les livres d’abord dans la langue de l’enfant, surtout pour les plus jeunes (une autre façon de faire étant, dans cette étape indispensable de présentation, d’expliquer le sens des mots difficiles avant la lecture).

Le rôle fondamental de médiateur dévolu au bibliothécaire, dans tous les pays du monde, s’avère d’autant plus décisif en Afrique du fait de la lecture dans une langue non maternelle. Une facette importante de ce rôle est ainsi celle d’« interprète », de traducteur… : la médiation passe par la parole en langue maternelle. Ce sont le bon sens et l’expérience qui ont amené les bibliothécaires à procéder ainsi, et ce en contrant de profondes habitudes, la règle étant, depuis l’école coloniale, de s’exprimer en français à l’école – les récits d’enfance offrent d’ailleurs de nombreux témoignages de cette interdiction de parler « en langue »11 . La bibliothèque semble un lieu profondément associé à l’école, devant participer à l’apprentissage du français, et nombreux sont les bibliothécaires auxquels il ne vient pas à l’esprit d’y utiliser une autre langue.

La parole en langue maternelle à la bibliothèque est donc liée à l’objectif de faciliter l’accès aux livres en français. Les langues ne semblent pas avoir une « présence autonome », indépendante du livre en français, en tant que véhicules du patrimoine oral propre : contes, légendes, épopées, savoirs traditionnels comme la botanique, les techniques…12 Ce « droit de présence » permettrait d’ouvrir la bibliothèque à des personnes analphabètes et/ou ne comprenant pas le français, en tant que public aussi bien qu’en tant que personnes ressources, « livres vivants » pouvant transmettre le patrimoine oral existant dans les différentes langues.13

Lire en langue maternelle

Les livres en langues maternelles

La médiation vers le livre en français par le biais de la langue maternelle peut aussi passer par l’écrit, et le bibliothécaire devient alors éditeur artisanal de la traduction…14 Ainsi, dans une bibliothèque à Kikwit (RDC) où, à l’école primaire publique, les cours se font en kikongo : « Très peu d’enfants savent le français, or les livres sont tous dans cette langue. Nous avons dû commencer un dur travail de traduction en kikongo et avons déjà traduit plus de trente albums. Il faut un traducteur qui maîtrise bien le français et ses nuances, qui apprécie, goûte et sente la littérature enfantine, qui sache retransmettre le message du livre en kikongo avec fidélité et liberté… S’ensuit un travail de saisie du texte avec une mise en pages adaptée à chaque image, à chaque page… Puis un travail de collage et de mise en valeur du texte. Le livre est alors proposé aux enfants avec un autocollant jaune qui signale qu’il est traduit en kikongo. […] Nous traduisons en priorité des livres avec des textes courts, pour les tout-petits, mais par la suite, ceux-ci ne sont plus adaptés aux lecteurs plus âgés. Or, les grands savent peu de français, surtout ceux de sept à neuf ans. Ce travail deviendra compliqué et dépassera nos capacités pour les livres qui ont plus de texte que d’illustration (même si certains livres à texte plus long sont traduits sur des feuilles séparées à l’intention des animateurs). La traduction est un travail très urgent pour le groupe des grands. Nous sommes dans une impasse. Il faudrait vraiment des livres édités en kikongo ! »15 Nous voici face à la situation dans laquelle se trouvent des jeunes alphabétisés dans leur langue maternelle : ils n’ont pas de quoi lire.

Les livres en langues maternelles n’existent-ils donc pas ? En fait, il existe bien dans certaines langues des ouvrages monolingues ou bilingues français, mais ils ne sont pas nombreux – Takam Tikou en a toujours présenté ; ceux actuellement disponibles sont recensés dans notre dossier, cf. « Une sélection de livres en langues ».
Outre les publications religieuses réalisées par les missionnaires dans tous les pays, des livres destinés aux jeunes, ou pouvant les concerner, ont commencé à être publiés à partir des années 1980, surtout au Sénégal en wolof, pulaar et sérère, et au Mali en bamanan et pulaar. Ces deux pays restent ceux publiant le plus en langues, avec deux autres où l’enseignement primaire se fait dans la langue nationale : à Madagascar, en malgache (lire l’entretien avec la directrice des éditions Jeunes Malgaches LIEN) et au Rwanda, en kinyarwanda.

Des publications voient le jour également au Burkina Faso en mooré notamment, en Côte-d’Ivoire en sénoufo, dioula, gban… (voir entretien avec la directrice d’Edilis), au Niger en haoussa, zarma, tamachek et d’autres, au Cameroun en différentes langues (voir entretien sur les éditions du Clac LIEN), en RDC en lingala, et en Centrafrique en sango.16
Les éditeurs exercent dans des contextes professionnels variés : maisons d’éditions, institutions publiques, associations (ONG, associations pour la promotion des langues) ou encore missions religieuses. Parmi les coopérations étrangères, ce sont les Allemands qui ont le plus participé au développement de cette édition, avec notamment la tenue d’ateliers de formation qui donnèrent lieu à la collection « Éditer en Afrique » et à des publications en langues par les éditeurs concernés. Mais si la production, la distribution et la vente des livres africains en français connaissent des difficultés, ces difficultés se posent de manière plus aiguë, pour des raisons évoquées ailleurs dans ce dossier, pour les livres en langues…

Certains ouvrages sont spécialement destinés aux jeunes avec, de plus en plus, des illustrations couleur sur papier glacé et une belle qualité de fabrication. D’autres s’adressent à un large public incluant les adolescents et les jeunes adultes – ainsi, par exemple, plusieurs journaux en langues nationales du Burkina Faso publient des contes.
Les contes ont une place de choix dans cette édition, et d’autres formes du patrimoine oral comme les épopées et les proverbes. Mais l’on trouve également des créations de fiction (albums, récits, bandes dessinées) et des documentaires (santé, agriculture… outre les nécessaires syllabaires, dictionnaires et méthodes). Si les contenus s’attachent, généralement, à la culture propre des locuteurs de la langue en question, des ouvrages sont traduits du français : ainsi, Le Petit Prince existe en bambara et en malgache…

En France, L’Harmattan a publié des livres bilingues français en quinze langues africaines (voir entretien), et Edicef, qui produit pour le marché africain, propose une collection en langues burkinabè et une autre en langues sénégalaises. D’autres éditeurs français et quelques associations publient occasionnellement des livres en langues ou bilingues.17
Signalons enfin qu’on trouve sur le web des contes en différentes langues et des enregistrements audio et vidéo18. On peut également y trouver des livres numérisés, comme sur le site SIL Mali.

La lecture en bibliothèque

Est-ce qu’on trouve en bibliothèque des livres en langues maternelles ? Dans certaines, non. À Kinshasa, « parce qu’il n’existe pas de livres jeunesse en langues nationales. Les quelques écrits qui existent intéressent surtout la religion. C’est la raison essentielle pour laquelle on trouve rarement des écrits en langues congolaises sur les rayons de nos bibliothèques. » À l’Alliance française de Bamenda, tous les livres sont en français « à cause des missions qui sont les nôtres ». Dans le réseau Lire en Afrique, « pour plusieurs raisons. Tout d’abord, il n’y en a pas, ou alors, de façon très anecdotique. Supposons que nous ayons acheté, dans une librairie locale, tous les livres jeunesse existant dans toutes les langues locales, le total ne ferait pas deux livres pour mille du fonds. Ce n’est pas avec ces quelques titres qu’on bâtit une activité autour du livre en langue locale, puisque les gens ne savent pas déchiffrer ces langues, il faudrait organiser toute une activité spécifique d’alphabétisation en langue locale. Puis, aucun Sénégalais ne nous a jamais demandé de livres en langue locale. Ce n’est pas pour nous une problématique, une orientation, même pas une interrogation : supposons que nous décidions, coûte que coûte, de mettre ces fameux livres en langue locale (à supposer qu’ils existent). Dans quelle langue locale ? Dans la plupart des localités, plusieurs ethnies cohabitent : qui privilégier ? Nous créerions alors des problèmes entre les personnes pour des enjeux que nous n’entrevoyons pas. Nous avons fait une expérience avec un livre de contes wolofs publié par Enda. Nous en avons acheté un exemplaire et nous en avons testé la lecture sur les bibliothécaires de notre entourage. Aucun n’arrivait à déchiffrer, sauf en lisant à haute voix pour essayer de deviner les mots en fonction des sonorités produites… »

Dans d’autres bibliothèques, on trouve des ouvrages en langues maternelles. À Yaoundé, « une vingtaine, parfois en plusieurs exemplaires : quelques rares parutions, très anciennes, en bassa, douala et voulu – langues camerounaises –, de la collection « Le feu et l’étoile » publiée à Yaoundé en 1982 par le CERDOTOLA (Centre régional de recherche et de documentation sur les traditions orales et pour le développement des langues africaines) ; le CERDOTOLA n’a pas de librairie, nous avons acheté ces livres sur le trottoir. Pour d’autres langues du continent, nous avons des livres en lingala (RDC), éwé (Togo), mooré (Burkina Faso) et wolof (Sénégal), parus chez l’Harmattan, que nous avons achetés à leur librairie ».

À Bamako, on en trouve « une centaine, qui représente 0,1 % du fonds : des contes et des albums, en bambara et en arabe, publiés par Jamana et Fayida, que nous avons acquis par achat ». Chez BLD à Dakar, « une trentaine d’ouvrages sur un fonds de 5 000 soit 0,7 %. Ils sont en langues nationales (wolof, pulaar, sérère, diola) et dans d’autres langues africaines : dioula, bété, akan et swahili. Il s’agit surtout d’albums, de livres de contes, de poésie, mais aussi de livres de mathématiques et manuels d’alphabétisation. Les éditeurs : BLD, ENDA, Mame Daour Wade, Edilis, Edicef, NEAS, Société Internationale de Linguistique Sénégal (SIL), PAPA (Projet d’appui au plan d’action en matière d’éducation non formelle), Association des formateurs en langues nationales (AFLN). Nous les avons acquis par achats et par dons. »

À Lomé, les deux bibliothèques en ont « très peu, moins de 1 % du fonds, parce qu’il y en a peu : des contes et des proverbes, en bilingue français-éwé et français-kabyè, venant en général du Ghana voisin. Nous avons, surtout, cinq albums bilingues, réalisés par des membres de l’ATAILE (Association togolaise d’auteurs et d’illustrateurs de livres pour enfants). Beaucoup de manuscrits attendent d’être édités. »

La responsable du réseau FAVL au Burkina Faso nous dit : « Dans nos bibliothèques, une place de choix est accordée aux écrits en langues nationales, vu que nous soutenons des bibliothèques dans les zones rurales uniquement. Alors, selon la localité, nous y mettons des documents dans la langue locale la plus parlée et dans d’autres langues. Ces documents sont pour la plupart destinés à l’alphabétisation des adultes ou à la sensibilisation à des questions de santé, de développement… Néanmoins, j’ai mis la main sur une petite bande dessinée en mooré, première langue locale du Burkina ». La bibliothèque de Khorogo dispose d’un petit fonds (0,8 % du total) de livres en sénoufo – et un peu en dioula – publiés par des missionnaires et des auteurs nigériens : contes, proverbes, albums, récits non illustrés, guides pratiques, syllabaires, dictionnaires, spiritualité…

Enfin, Zinder est l’exception, avec 20 % du fonds en haoussa et 10 % en arabe : des contes et des albums publiés par le Service d’alphabétisation, des écrivains locaux et l’ONG SNV.

Est-ce que ces livres sont lus par les jeunes ? Cela dépend… Mam Samba Ba (BLD) répond : « Rarement, du fait de leur non-alphabétisation dans les langues nationales. Seuls les étrangers désirant apprendre la langue courante (le wolof) nous les demandent, et ils sont lus par quelques rats de bibliothèque qui tombent dessus par hasard ». Au Sénégal également, Paul N’daye, bénévole dans une bibliothèque Lire en Afrique, témoigne : « Les langues devaient être introduites dans les programmes scolaires mais elles ne l’ont pas été (le programme d’alphabétisation en langues nationales a touché seulement les groupes féminins) : ce manquement fait que très peu de Sénégalais savent lire dans les langues nationales. Face à ces ouvrages, on devine les mots plus qu’on ne les lit. Comme c’est un travail fastidieux, les Sénégalais préfèrent les œuvres en français. » De même, à Khorogo, « les chercheurs travaillant sur un thème propre à la culture sénoufo s’intéressent à ces livres, alors qu’ils sont peu consultés par les élèves. Nous avons constaté que les élèves lisent très peu. Ils n’ont pas une curiosité intellectuelle pour s’intéresser aux documents qui ne font pas partie du programme. Il n’est donc pas étonnant qu’ils ne s’intéressent pas aux livres écrits en langues nationales ; d’autant que la lecture, à cause des modes de transcription adoptés, n’est pas aisée. »

Ailleurs, malgré le fait que les lecteurs n’aient pas appris à lire dans ces langues, les réponses sont plus nuancées : « Étant donné que ces livres sont bilingues, les enfants vont rarement vers eux, sans doute à cause de la page en langue locale qui, forcément, leur est inconnue. Cependant, lorsqu’ils sont encouragés ou pendant les animations, ils expriment un grand intérêt, montrant une certaine fierté par rapport aux langues qui sont proches d’eux. Malheureusement, aucune stratégie n’est mise en place pour la promotion de ces langues. » (D. Pondi, Yaoundé).

Dans le réseau FAVL du Burkina, « Ce sont surtout les adultes qui s’y intéressent : ils sont davantage alphabétisés en langues, ce qui explique l’absence de production en langue destinée spécifiquement aux enfants. Mais les jeunes (alphabétisés pour la plupart en français) essayent de déchiffrer ces livres dans une langue qu’ils parlent mais qu’ils ne savent pas forcément lire. Moins que vers les livres en français, mais ils y vont de manière spontanée, avec une certaine curiosité, et/ou pour tester leurs connaissances d’une langue locale donnée. C’est pour eux comme un jeu d’apprentissage et d’enrichissement culturel. Nous menons aussi des animations avec ces livres (moins fréquemment qu’avec des livres en français), pour améliorer le niveau de lecture en langues locales mais aussi pour faire percevoir aux enfants qu’ils peuvent apprendre beaucoup de nouvelles choses dans ces livres ».

Enfin, ce que montre l’expérience de traduction en kikongo mentionnée plus haut se confirme dans les deux bibliothèques où les enfants apprennent à lire en langue : les livres sont bien lus. Ainsi, à Bamako, « ces livres en bambara, comme Le Petit prince ou Pourquoi la grenouille vit-elle dans l’eau ? sont lus et commentés très facilement par les élèves du premier cycle ». Et à Zinder « oui, les enfants les lisent, parce qu’il y a des écoles qui « répondent » à ces livres – l’enseignement est bilingue haoussa-français dans les premières années du primaire à Zinder. Nous visitons les classes et lisons ou racontons en haoussa. »

Conclusions, perspectives

En ce qui concerne la lecture en français, la synthèse des travaux du Réseau JPL apporte des éléments essentiels. Rappelons simplement qu’elle est plus accessible avec la médiation du bibliothécaire et avec des livres proches de la culture des enfants, auquel s’ajoute le rôle essentiel de l’illustration. L’effort demandé par la lecture dans cette langue non maternelle est largement compensé par les énormes possibilités de lecture qu’elle offre. Sur cela, il y a consensus à tous les niveaux : enseignants, parents, bibliothécaires.

On note moins de consensus, en revanche, sur l’importance de la lecture en langue maternelle – souvent mise en valeur, d’ailleurs, dans Takam Tikou, notamment avec l’article de Mariétou Diongue Diop, « La lecture en langue maternelle  ». Du fait que les systèmes éducatifs l’ont, en général, ignorée, les bibliothécaires, comme les parents, ne s’en soucient souvent pas : « les bibliothèques étant une denrée rare en Côte-d’Ivoire, je ne me suis pas vraiment préoccupée de cette question » (Mariame Gba). Éliane Lallement considère que la lecture en langues nationales est « un mythe », et Kokou Galley pense que « des livres en langues nationales, aujourd’hui, ne sont peut-être pas utiles, alors que les livres écrits en langue française avec des histoires qui se déroulent dans l’environnement des enfants ont beaucoup de succès. »

Mais tous les autres bibliothécaires consultés, sauf deux, sont favorables à la présence en bibliothèque des livres en langues maternelles, et ce, pour différentes raisons. « Ce sera l’occasion pour certains enfants d’obliger leurs parents à leur apprendre leur langue… La bibliothèque pourrait bien jouer le rôle de restaurateur de ces langues » (Olive Njuekou) ; « Si la musique et le théâtre en langues nationales intéressent aussi bien les adultes que les jeunes dans notre société, je parie que des livres racontant les belles histoires, les beaux contes de chez nous, ne manqueraient pas d’attirer les jeunes » mais « il faut un grand travail de sensibilisation aussi bien au niveau des décideurs politiques, des auteurs, des éditeurs et des libraires en leur qualité de producteurs et commerçants, et des bibliothécaires comme animateurs » (Paul Tete Wersey) ; et encore « C’est une très bonne méthode d’avoir des écrits dans une sélection des langues et que chacun trouve son compte » (Maman Salissou Abdou).

Ce qui est essentiel, c’est le besoin préalable d’alphabétisation dans les langues maternelles.19 « Le tout n’est pas d’avoir des livres, il faut que les enfants sachent lire les langues nationales. À l’heure actuelle, les enseignants et professeurs ne savent peut-être pas lire en langue nationale pour faire la publicité des livres en langues nationales. Il faudrait une politique du gouvernement qui intègre ces langues. Certes, dans certains pays africains on note une pléthore de langues mais quelques-unes, au moins trois, peuvent être ciblées comme importantes et intégrées dans le programme de l’enseignement. La présence des livres en langues nationales en bibliothèque serait une nouveauté et une richesse. On ne peut que souhaiter que les gouvernements africains se penchent sur ce volet qui pourrait aider à l’enrichissement et à la conservation du patrimoine culturel dans les livres et autres supports modernes. Dans ce cas, les jeunes auraient l’embarras du choix des ouvrages où ils découvriraient et apprécieraient la valeur de leur patrimoine culturel : ils verraient leur culture valorisée et apprendraient à mieux l’aimer. La phrase de Hampâté Bâ, qui dit que lorsqu’un vieillard meurt, c’est une bibliothèque qui brûle, trouverait une réponse dans la mesure où la richesse cachée dans l’oralité serait transcrite et conservée sur des supports et transmis de génération en génération » (Léa Somme)20 . Ou encore, « Ce serait merveilleux si au préalable les enfants étaient alphabétisés dans les langues nationales. Ils sont plus réceptifs si les histoires sont racontées en langues locales. Par expérience, les animations menées un peu partout dans le pays, où différentes langues sont utilisées, prouvent que les enfants sont plus sensibles dans les langues nationales. » (Mam Samba Ba)

Nous n’avons pas exploré ici tous les cas de lecture21 , mais ceux considérés ont permis un aperçu général des situations réelles de lecture, à un moment où la question de la lecture en langues maternelles redevient d’actualité avec des projets de mise en place d’un enseignement bilingue dans plusieurs pays22 . Les livres existants devraient alors être promus et, surtout, de nouveaux livres devraient voir le jour – du moins, on l’espère… Car à quoi bon savoir lire s’il n’y a pas de quoi lire ?

Des éditeurs s’en préoccupent toujours, et même davantage23 . Enfin, remarquons que la publication électronique offre des perspectives très intéressantes pour le futur de l’édition en langues maternelles, avec l’utilisation possible de tablettes, liseuses et téléphones mobiles comme support pour l’éducation24, et avec l’impression sur demande.

Les bibliothèques deviendront-elles multilingues, comme les enfants ? Cela permettrait, comme le dit notre collègue du Niger, « que chacun trouve son compte »…

 

Notes et références

1. Kokou Galley et Komlan Edem Adjeoda (Togo), Mariame Gba et Léa Somme (Côte-d’Ivoire), Mam Samba Ba, Éliane Lallement et Paul N’diaye (Sénégal), Paul Tete Wersey (RDC), Olive Njuekou et Donald Pondi (Cameroun), Abdoulaye Doumbia (Mali), Maman Salissou Abdou (Niger), Monique Nandembega (Burkina Faso). Voir leur présentation en fin d’article.
2. Le beembe est une langue du Congo Brazzaville, pays où « bon nombre de jeunes ont des difficultés à s’exprimer dans leur langue maternelle ». Cf. « Les langues congolaises prennent un coup de jeune  » [Consulté le 09.03.2012].
3. Alors que 95 % des enfants le sont en Amérique latine et 70 % en Asie. Cf. « Le français est un frein à l’alphabétisation en Afrique francophone », entretien avec Roger Dehaybe, dans Terangaweb, l’Afrique des idées, 07.04.2011 [Consulté le 12.03.2012].
4. Souvent le français est complètement inconnu des adultes aussi ;au Burkina Faso, par exemple, « 10 % de la population maîtrise à l’oral la langue officielle, à savoir le français, et seulement 1 % à l’écrit ». Cf. Site de l’Association des éditeurs et publicateurs de journaux en langues nationales [consulté le 09.03.2012].
5. Aline Présumey, « Enfance et lecture en Afrique francophone », dans V. Quiñones (Sous la dir. de), Faire vivre une bibliothèque jeunesse : Guide de l’animateur, Paris, La Joie par les livres, 2005, p. 21.
6. Sur l’école coranique, on peut lire Stefania Gandolfi, « L’enseignement islamique en Afrique noire », dans Cahiers d’Etudes Africaines, n°169-170, 2003.
7. Aline Présumey, ibid.
8. Marie Laurentin, « Le réseau de lecture critique de la Joie par les livres, ébauche d’analyse de la réception des ouvrages », dans Takam Tikou, mars 2010.
9. Ibid.
10. Ibid.
11. Voir par exemple Climbié (Abidjan, NEI, 2003) de Bernard Dadié (Côte-d’Ivoire) ou Une enfance africaine (Paris, L’Harmattan Guinée, 2008) de Fodé Lamine Touré (Guinée).
12. Nous n’avons pas posé cette question aux bibliothécaires consultés, mais aucun d’eux n’en a fait mention spontanément.
13. Sur l’oralité à la bibliothèque, voir C. T. Chisita et I. Abdullahi, « Pour la prise en compte des traditions orales dans la formation des bibliothécaires », dans Takam Tikou, juin 2011.
14. D’autres bibliothèques ont publié elles-mêmes des livres bilingues : Le Monde à notre porte, à Khorogo (Côte-d’Ivoire), a produit des contes illustrés bilingues sénoufo-français, la bibliothèque d’Angers (France), jumelée avec Bamako, pour le recueil bambara-français La Pierrebarbue…
15. B. Maurice, « Petits lecteurs cherchent livres en kikongo  », dans Takam Tikou, n° 12, 2005.
16. Les éditeurs (adresses dans le Carnet d’adresses LIEN) : Sénégal : OSAD, Papyrus, ENDA, Kalaama, ARED, BLD ; Mali : Jamana, Donniya, Edis, Togouna ; Burkina Faso : Institut National d’Alphabétisation, Association Tin Tua et d’autres ; Côte-d’Ivoire : Edilis, Mission Baptiste ; RCA : F. Koyt Deballé ; RDC : Mabiki, Suka, BD de rue ou conçues par des ONG ; Rwanda : Bakamé. La SIL (Société Internationale de Linguistique), active dans tous les pays, compte parmi ses publications des livres de contes, proverbes, histoire. Cf. SIL, SIL Mali.
17. Signalons le remarquable album Kulle Ladde (La Garenne Colombes, Tintimol, 2009), lauréat du prix Kadima des langues africaines et créoles, de l’Organisation Internationale de la Francophonie.
18. Par exemple, des textes en lingala http://laetitiamailho.free.fr/ et en bambara http://donniyakadi.over-blog.com/categorie-12093060.html, des enregistrements audio en différentes langues http://www.leebone.com, des vidéos en différentes langues sur YouTube. [Consultés le 09.03.2012]
19. La bibliographie est pléthorique sur l’enseignement en langues maternelles… On peut lire par exemple l’excellent Pourquoi et comment l’Afrique doit investir dans les langues africaines et l’enseignement multilingue. Adama Ouane et Christine Glanz. Hambourg, Institut de l’UNESCO pour l’apprentissage tout au long de la vie, 2010.
20. Léa Somme soutient, par ailleurs, fortement l’utilisation de l’alphabet phonétique international.
21. Il reste de nombreuses situations de lecture à considérer : le cas du Rwanda où la plupart des livres jeunesse sont en kinyarwanda, les CLAC où, selon leur plaquette de présentation, « L’OIF favorise systématiquement l’acquisition d’ouvrages neufs édités localement, qu’ils soient en français ou en langues nationales », l’expérience d’alphabétisation dans toutes les langues nationales en Afrique du sud, la lecture de livres bilingues…
22. Cf. projet ÉLAN « École et langues nationales en Afrique » soutenu, pour la première fois pour un projet d’enseignement bilingue, par la France et l’OIF. [Consulté le 09.03.2012]
23. À la dernière FILDAK, par exemple, une communication de Nicole Gakou s’intitulait « Édition de jeunesse et langues nationales, des mots en quelles langues ? » ; l’Alliance des éditeurs indépendants et les éditions Sankofa et Gurli projettent d’organiser, en 2012, au Burkina Faso, un Salon de l’écrit et du livre en langues africaines, à dimension continentale…
24. Voir, par exemple, les projets pilote menés au Ghana et au Kenya avec l’aide de Worldreader.


Pour aller plus loin

Cet article a été écrit en collaboration avec Kokou Galley et Komlan Edem Adjeoda (Togo), Mariame Gba et Léa Somme (Côte-d’Ivoire), Mam Samba Ba, Éliane Lallement et Paul N’daye (Sénégal), Paul Tete Wersey (RDC), Olive Njuekou et Donald Pondi (Cameroun), Abdoulaye Doumbia (Mali), Maman Salissou Abdou (Niger) et Monique Nandembega (Burkina Faso).

Kokou Galley est président de l’ATAILE (Association togolaise des auteurs et illustrateurs de livres pour enfants) qui offre une bibliothèque ambulante. Il apporte des livres dans des établissements et les enfants les empruntent – l’abonnement annuel est de 500 CFA. Kokou Galley intervient comme animateur dans deux écoles privées de Lomé, ainsi que dans quelques centres culturels.
Komlan Edem Adjeoda est animateur et bibliothécaire à la bibliothèque STEJ de la Maison de Quartier d’Agoe Nyive Demakpoé, à Lomé. C’est une bibliothèque de lecture publique qui met à la disposition des enfants et des adultes des livres de tous genres et propose des animations diverses (lire l’entretien avec sa directrice, « Bibliothécaire : entrepreneur à multiples talents  »).
Mariame Gba est bibliothécaire à la Bibliothèque publique du District d’Abidjan où elle s’occupe de diverses tâches de conception et de coordination.
Léa Somme est bibliothécaire, responsable des activités littéraires en faveur des élèves, à la bibliothèque Le Monde à notre porte de Khorogo, Côte-d’Ivoire. Cette bibliothèque scolaire est ouverte à tous, et reçoit toutes les couches de la population de la ville de Korhogo, où elle est devenue une bibliothèque de référence et est considérée comme un lieu de sociabilité et de convivialité.
Mam Samba Ba, conservateur des bibliothèques, est responsable du réseau de bibliothèques de BLD et de sa Bibliothèque pilote à Dakar.
Éliane Lallement coordonne le réseau de bibliothèques Lire en Afrique dans ses activités d’acquisition, de formation, d’évaluation et d’accompagnement. Voir entretien.
Paul N’daye, professeur d’anglais, est bibliothécaire bénévole à la bibliothèque du collège de Joal (réseau Lire en Afrique, Sénégal).
Paul Tete Wersey, professeur de bibliothéconomie, est directeur de la Médiathèque francophone de la Funa à Kinshasa.
Olive Njuekou, bibliothécaire, est responsable des sections enfants et adolescents de la bibliothèque de l’Alliance Française de Bamenda, capitale de la région du Nord-Ouest Cameroun.
Donald Pondi est animateur à la bibliothèque Lucioles de Yaoundé.
Abdoulaye Doumbia est responsable de la Médiathèque jeunesse du Centre national de la lecture publique à Bamako, Mali.
Maman Salissou Abdou est bibliothécaire à la Maison de la culture Abdoul Salam Adam de Zinder, Niger.
Monique Nandembega est la coordonnatrice du réseau de bibliothèques villageoises FAVL au Burkina Faso.