Les lumières de Lampedusa
Nous sommes dans un pays imaginaire, l'Ifriki qui ressemble à la Guinée sous la présidence d'Alpha Condé. Ses habitants souffrent des maux qui sévissent un peu partout dans la région : la misère, le chômage, un régime autoritaire, la corruption des élites, l'exploitation des travailleurs par les compagnies chinoises, l'alcoolisme, la prostitution... Le jeune Tahoui, comme tant de garçons de son âge est prêt à faire le voyage vers l'Eldorado, l'Europe. Il va en parcourir les étapes : les voyages pénibles dans des cars surpeuplés, l'obligation de s'arrêter parfois longtemps pour gagner de quoi poursuivre son chemin et payer les passeurs, la peur de la police, la peur des attaques djihadistes, mais quand même parfois la solidarité entre migrants et la bienveillance de quelques anciens. Les confidences de ses compagnons enrichissent le récit. Parvenu en Libye, Tahoui va connaître l'enfer des prisons locales et voir son ami périr noyé après un faux départ. Plus chanceux, il réussit à gagner les lumières de Lampedusa, mais elles sont trompeuses. À Paris, rien ne l'attend, sa demande d'asile est rejetée, et il est finalement expulsé. C'est un retour à la case départ, certes, mais avec un petit plus : l'OIM (Organisation internationale pour les migrations) lui accorde un financement pour ouvrir une échoppe.
L'auteur est très clair sur l'impasse que représente le parcours de Tahoui et ses dangers, mais n'en dénonce pas moins la situation qui prévaut chez lui, et l'égoïsme tant des dirigeants africains que de l'Europe, qui ferme les yeux sur l'hécatombe en Méditerranée. Le voyage est décrit de façon efficace, dans un langage clair, parfois assez familier : on a ici un bon résumé des différentes épreuves d'une odyssée aussi pénible que décevante. (CR)