Chemins d’école au Togo

Langue : français Auteur : Gabrielle Huet Lieu d'édition : Lomé Éditeur : Graines de Pensées Année d'édition : 2016 Nombre de pages : 264 p. Illustration : N/A Format : 21 x 14 cm ISBN : 978-2-916101-76-7 Âge de lecture : Grands adolescents et adultes Prix : 4500 CFA (Togo), 5000 CFA (Afrique), 12 €
Des enfants devant des cabanes à un village africain.

 Chemins d’école au Togo : le titre de l’ouvrage de Gabrielle Huet entre en résonnance naturelle avec celui du film documentaire à succès de Pascal Plisson, Sur les chemins de l’école, sorti en 2013 (on peut le voir en ligne). On y décèle bien l’intérêt commun pour ces histoires d’écoles loin des pays où leur existence semble tellement aller de soi qu’elle ne suscite guère d’enthousiasmes débordants. Et surtout, l’intérêt pour ces « écoliers », sorte de pionniers héroïques pour certains d’entre eux… Car ce que ce livre (tout comme le film) décrit, ce sont des aventures humaines, des parcours de grande audace où les choix familiaux, les équipements locaux, les rencontres déterminantes, le courage, la volonté sont autant de facteurs pour s’engager et persévérer sur des voies qui ne sont en rien évidentes.

 

Nous sommes ici au Togo, pays d’une cinquantaine d’ethnies qui eut à subir des colonisations allemande, anglaise et française jusqu’en 1960. L’auteure se rend depuis une dizaine d’années  dans la région des savanes au Nord du pays, sans doute la région la plus pauvre, à 95% rurale. Elle a interrogé une trentaine de personnes de cette région, de 22 à 82 ans, dont quelques-unes vivant hors du pays. De ces entretiens racontant des « chemins » singuliers sur le parcours scolaire et variables selon l’âge, ressortent des traits communs. En négatif, l’éloignement d’avec la famille et le village, la pauvreté, les contraintes matérielles (vêtements, nourriture, longues marches, le pensionnat), le coût de l’ « écolage » (souvent cause d’arrêt de la scolarisation une fois terminée l’école primaire gratuite), l’utilisation - plus souvent qu’à son tour - du bâton symbolisée par la chicotte plutôt que de la carotte. Et encore, à mettre sur le compte des obstacles les plus lourds, la perte de sa culture, de ses coutumes, l’acquisition d’une nouvelle langue au détriment de la langue maternelle, le modèle étranger (« on veut devenir tous des Blancs, on copie des choses qui ne nous améliorent pas »), la formation insuffisante de certains enseignants, la très forte déperdition des filles à l’entrée au lycée, un apprentissage qui ne prend  pas suffisamment en compte la pratique et donc,  le futur métier…

 

Le positif est à la mesure : la soif d’apprendre encore et encore, l’élargissement du monde, l’apprentissage d’une langue qui vous unit, la joie des jeux et des moments partagés avec les camarades, la fierté d’avoir été choisi par la famille, l’endurance à une autorité et aux sévices corporels, l’immense respect pour certains enseignants, l’adaptabilité à toute situation, les bénéfices d’un puissant outil de socialisation, la prise de conscience d’un rôle à jouer dans la société. Le défi, la compétition, la force du groupe pour s’entraider. Les chances que donne l’instruction pour trouver un métier, offrir un avenir à ses enfants, être utile aux autres, à son pays. Le partage de la littérature de tous les pays…Il y a tout cela et bien d’autres choses dans ces témoignages touchants.

 

Ce constat, bien qu’à l’échelle d’une région, d’un pays particulier, suscite un réel intérêt car résumant bien des situations ailleurs partagées. Il pose des questions, telle celle de la scolarisation des filles abordée à la fin de l’ouvrage, celle de l’évolution des jeunes, celle de l’engagement des états, des réformes de l’enseignement et des méthodes pédagogiques, de la formation…

 

Dans grand nombre de ces parcours la référence aux établissements religieux chrétiens et à leurs enseignants (souvent loués) est d’intérêt : ils sont souvent reconnus comme ouverts à tous sans exclusive, exigeants mais respectueux de la situation familiale et de la réligion de chacun, novateurs en matière d’éducation.

 

Et si la mise à plat de ces interviews uniformise un peu le ton, ce n’est pas bien grave car la démarche est honnête, documentée et contextualisée, avec même quelques « bulles » de légèreté qui émaillent le propos, des brèves de collégiens d’aujourd’hui, bien parlantes elles-aussi sur l’aujourd’hui de l’école ! Tout cela constitue une formidable base de réflexion sur le rôle de l’école dans le développement d’une société.

ML