La Bibliothèque nationale de Côte-d’Ivoire, un engagement en faveur de la lecture des enfants

Par Viviana Quiñones
Je veux grandir avec le livre

Contrairement à d’autres pays africains francophones, la Côte-d’Ivoire ne dispose pas d’un réseau de bibliothèques publiques. Comme le dit Mariame Gba , « les bibliothèques sont une denrée rare en Côte-d’Ivoire »1. Mais la Bibliothèque nationale (BNCI) compte, parmi ses missions, celle de promouvoir la lecture publique et, quand elle lance son programme de réhabilitation début 2008, c’est vers le public des jeunes qu’elle se tourne en priorité en ouvrant sa nouvelle Bibliothèque Enfantine (BE), en novembre 2008, grâce à l’aide de l’entreprise japonaise Mitsubishi corporation.

Une bibliothèque modèle pour enfants

Dans des locaux nouvellement aménagés, spacieux et lumineux, la BE accueille les jeunes lecteurs dès l’âge d’un an – car elle souhaite familiariser les tout-petits avec le livre le plus tôt possible – et jusqu’à dix-sept ans. Elle offre une salle de lecture mais aussi un espace contes, des ateliers d’initiation aux langues maternelles, un atelier pour diverses activités (illustration, jeux éducatifs…), une salle informatique avec des postes connectés à Internet et une autre salle destinée à la projection de films. Il est possible d’emprunter des ouvrages et des activités sont proposées aux jeunes, aussi bien qu’aux parents. La BE se veut un lieu de référence pour les bibliothèques jeunesse en Côte-d’Ivoire.

Lors des émeutes d’avril 2011, la bibliothèque est pillée. Si l’important travail mené pour la réouverture de sa bibliothèque de recherche se voit anéanti, Chantal Adjiman, sa directrice, constate, en juillet, à propos de la BE : « Avec les enfants, les choses redémarrent, puisqu’ils sont toujours présents et que nous sommes dans l’obligation de les accueillir et de leur proposer des activités. Heureusement qu’avec eux, la vie nous pousse à continuer et à rechercher le meilleur… » Malgré le besoin de rééquipement après les pillages, la bibliothèque organise, du 29 novembre au 1er décembre 2011, les premières Journées nationales du livre pour enfants…

Les Journées nationales du livre pour enfants

Avec cet événement – le premier de ce type organisé dans le pays –, la BNCI a souhaité mobiliser les partenaires de l’éducation, les professionnels du livre, les pouvoirs publics, les sponsors… et les enfants. Car, comme le souligne Chantal Adjiman, « au-delà des objectifs du projet, l’enjeu véritable de l’organisation des JNLE concerne l’éducation du sens critique qui favorise, chez les lecteurs, la liberté de choisir et leur permet de devenir des hommes et des femmes responsables. »

Les Journées ont été présidées par le ministre de la Culture et de la Francophonie, et parrainées par Guy Lambin, directeur des éditions NEI-CEDA, qui a reçu, en hommage pour son soutien à la BE, une clé symbolique faisant de lui le « papa »…

Autour du thème « Je veux grandir avec le livre », les Journées ont proposé un programme riche et varié. Une exposition était consacrée à Jeanne de Cavally, pionnière de la littérature de jeunesse en Côte-d’Ivoire, auteur entre autres de Bley et sa bande (toujours disponible) – on peut lire l’entretien publié par Takam Tikou en 1994.

Plusieurs auteurs jeunesse ont participé aux Journées comme Annick Assémian, François d’Assise N’dah, Michelle Tanon Lora, ou encore, Claire Porquet. Une quinzaine de partenaires – des éditeurs, des libraires, des associations de promotion de la lecture… – ont pu disposer d’espaces pour réaliser des expositions-ventes, ainsi que des animations : séances de contes et de sketches, dédicaces, présentations de collections… Un nouveau magazine a été présenté, Kookou, le petit vert, « le magazine de la santé, de l’hygiène et de l’écologie », vendu en kiosques et proposant aussi des pages sur Internet.

Les jeux et les concours autour du livre ont vu la participation d’environ 1 300 enfants : questions-réponses, mots croisés, ping-pong de mots, baccalauréat ; concours de la meilleure récitation, élection de la Miss et du Bagnon (le plus beau garçon en langue locale) BNCI – non pas les plus beaux enfants mais les meilleurs lecteurs et les plus actifs à la bibliothèque… De beaux prix étaient à la clé : ordinateurs, sommes d’argent, livres…
Le prix du meilleur album a été attribué à Un arbre pour Lollie (NEI, 2004) de Fatou Keïta. L’Eau, source de vie (Les Classiques Ivoiriens, 2010) de Jean Not et Jean Bellé et La Petite fleur et le vent (Aniss Création) d’Annick Assemian, ont reçu respectivement le deuxième et le troisième prix.
Enfin, la table ronde « Le livre et la lecture : enjeu pour les communes » a permis aux bibliothécaires et responsables socioculturels de présenter leurs expériences respectives. Les participants ont beaucoup apprécié l’occasion de se retrouver, d’autant plus qu’ils ont reconnu que leurs expériences ne se sont pas toujours soldées par un succès… Signalons que le directeur du livre et de la documentation a annoncé, lors des Journées, l’ouverture prochaine de Centres de lecture de proximité dans les quartiers, « afin que les Ivoiriens se réconcilient avec la lecture ».

Une nouvelle édition des Journées nationales du livre pour enfants est prévue pour la fin 2012 – des Journées que Guy Lambin, le parrain et « papa » de la BE, verrait bien devenir Salon international du livre de jeunesse d’Abidjan…
 

Notes et références

1 Voir Quiñones, Viviana. « Langues et lecture dans les bibliothèques africaines ». Dans Takam Tikou, mars 2012.