Comme des oiseaux
La guerre arrive non loin de chez Pëndèrè et Toti et leurs enfants Dadou et Fololo. Bientôt, il va falloir fuir, quitter la maison, abandonner la vie normale, l’école, le bain, la bouillie de riz et les rêves paisibles. La guerre pousse tout le monde sur le chemin, dans la poussière et les cris. Soudain, Dadou se retrouve seul avec sa petite sœur. La « foule folle » les dépasse. Ils sont perdus. Ils vont alors se réfugier dans la forêt qui « sera plus gentille ». La nature prend soin d’eux : une couverture de feuilles, l’eau du marigot, les kébos que les oiseaux font tomber. « On va dire qu’on est des oiseaux, on va marcher comme si on volait… », dit Dadou. Mais au sortir de la forêt, tout est mort : un gorille, des abeilles et des mouches, et même le champ de manioc. C’est un vieux qui les ramène chez eux pour d’heureuses retrouvailles.
Au début de ce bel album, on passe de l’inquiétude des parents à l’insouciance des enfants, et l’on glisse vraiment à hauteur d’enfant lorsqu’ils se retrouvent seuls. L’écriture est poétique et imagée : ils se réfugient sous « un grand arbre qui, le jour comme la nuit, porte le ciel sur ses branches ». C’est véritablement la nature (pourtant aussi touchée) qui les garde en vie. La fin est ambivalente, heureuse et pessimiste. Réaliste, aussi, car elle ne cache ni la tristesse du vieux, ni l’avenir qui les attend. Les illustrations sont très belles, tout en finesse. Le ciel rouge/rose donne l’impression d’un horizon bouché et de la fureur de la guerre au loin. Les personnages ressemblent à des statuettes de bois taillées, grises et sillonnées, mais en même temps très expressives. Des teintes de rouge, blanc, bleu, orangé et noir se retrouvent et se font écho.
Un album qui rappelle Afi et le tambour magique qui lui aussi met en scène une enfant perdue fuyant la guerre et une vieille personne qui la sauve… Adrienne Yabouza, centrafricaine, dédie l’ouvrage à ses petits-enfants « qui ont connu la guerre alors qu’ils ne savaient pas encore lire »…
CE-K