Les Larmes en or
Une famille pauvre, « dans un village lointain », pour laquelle on se demande comment elle sera récompensée pour son courage : tel est l’argumentaire de l’éditeur sur la quatrième de couverture... L’étonnement est grand à la lecture de cet album aux illustrations pourtant attirantes, bien imprimées, sur papier glacé. Le texte se veut simple mais est plutôt simpliste. Un couple et ses trois enfants vivent dans la misère au point de n’avoir que des tiges de roseaux à mâcher pour tout repas. Le père, dont la recherche d’emploi reste vaine, garde sa dignité quand sa femme « oublie même de se faire belle pour lui ». Jusqu’à ce que son cadet l’interroge sur l’origine de leur condition : à ce moment, il craque et pleure, malgré les conseils de son grand-père (« un homme ne pleure pas »). Mais ô miracle ! Ses larmes se transforment en or. Le lecteur peut avoir alors l’impression d’avoir raté un épisode. Le père s’est-il attiré les grâces d’un génie en effectuant une quelconque action ? Non, « il pleure des larmes en or parce qu’il a un cœur en or ». Certes, on devine que cette richesse récompense l’attitude de l’homme face à l’adversité : il est resté honnête, auprès de sa famille (tout comme sa femme, d’ailleurs…). Mais cela suffit-il pour en faire un homme au cœur d’or ? N’a-t-il pas eu le comportement que l’on est en droit d’attendre de quiconque ? Outre le fait que la récompense semble arriver sans raison, le texte force le trait, particulièrement quand la famille s’endort devant sa case (p. 15) : pourquoi rester dehors dans le froid ? Mystère… Par ailleurs, l’illustration montre un paysage verdoyant et cultivé : sûrement est-il possible de cultiver ne serait-ce qu’un petit bout de terre autour de sa case pour nourrir sa famille ? Mais les mots invoqués par le père sont « fatalité » et « destin »… Le vocabulaire difficile est expliqué en bas de page, mais là encore, on s’interroge sur le choix des mots à expliquer. Au final, un album qui, malgré ses illustrations colorées et expressives, n’aide pas à « la promotion de la culture africaine » qui est pourtant « un volet important des activités de Multitudes », le groupe de recherche dirigé par l’auteur. Ses autres albums La Ceinture de madame Fourmi, Le Bébé de Madame Guénon et les Siggly sont bien plus réussis.
Fatou Camara