Ne me coupez pas !
Pour cette bande dessinée d’avertissement, voici un titre aussi violent qu’impératif. Il s’agit bien en effet de regarder en face, à hauteur d’enfant comme d’adulte, le fait intolérable de l’excision. En France, et malgré la loi et les dispositions juridiques répressives existantes, la pratique peut perdurer, encouragée par la possible pression de la famille dans le pays d’origine. Pour sensibiliser à cette douloureuse réalité, les auteurs en font un récit en images en forme de plaidoyer implacable. Kadjatou et son mari Boubakar se réjouissent d’aller passer un mois de vacances au Mali dans leur famille avec, pour la première fois, leurs deux filles Oumou et Abby même s’ils redoutent la pression de la mère de Boubakar pour faire exciser leurs filles mais sont bien résolus à lui faire face et à veiller sur leurs filles. La joie et l’effervescence des préparatifs occupent toute la famille mais dès leur arrivée à Bamako, la mère et la tante de Boubakar lui font part de leur honte de ce que ses petites filles ne soient pas « coupées ». Malgré la farouche opposition de Boubakar, c’est à la faveur d’une absence des parents, que l’exciseuse commet l’irréparable. Reposant sur des illustrations lumineuses, vivantes et modernes d’un bédéiste d’origine congolaise et un texte facile à lire réduit à l’essentiel, le récit si enjoué au départ évolue inexorablement vers le drame dont les trois cases muettes de la dernière planche, qui claquent avec violence, donnent toute la mesure. Pierrette Rita Soumbou et ASIFA (Association Interculturelle des Femmes Actives) qu’elle a créée à Rouen, sont à l’initiative de cet album qui empoigne à bras le corps les tabous autour de l’excision autant que la pression familiale. Il faut informer, parler, prévenir par tous les moyens, sensibiliser le public, les professionnels… Nous sommes ici dans un cadre français et dans une démarche militante et efficace à saluer. De ce point de vue, le but est atteint. La famille malienne à Bamako n’a pas le beau rôle, à tous points de vue. Comment parler de cette rupture culturelle qui conduit aussi à celle des familles ? On aurait aimé en complément, même si l’entreprise est sensible, que soit explicitées ces traditions archaïques (dans leur origine, comme dans la pratique, dans leur contexte social, comme dans leurs conséquences physiques, psychologiques…), et aussi que des données claires soient précisées, qu’une place soit donnée aux situations et actions de sensibilisation dans le pays (les pays). Très discrètement d’ailleurs, la dernière image montre l’exciseuse encadrée par deux gendarmes car la loi punit l’excision au Mali (et pas que dans ce pays). En tous cas, une mobilisation douloureuse et longue qui écartèle les familles. Autres questions : comment faire évoluer les mentalités ? Uniquement par l’interdit ? Par une action étrangère pas forcément bienvenue ? Ainsi on peut lire sur le net une bande dessinée pour les jeunes - Pour l’abandon de l’excision - publiée par l’Association sénégalaise de coopération décentralisée, 2010.Afrique citoyenne n°20 : Et aussi, sur ce sujet pratiquement absent de l’édition jeunesse africaine, le roman La Blessure de Fatou Fanny Cissé, ill. Muriel Diallo. Ceda, 2001 (Lire au présent). Voir Takam Tikou n° 9, 2002, p. 100.
ML