Chevaux fabuleux
Deux contes mahi (centre du Bénin) racontés dans l’atmosphère d’une veillée par le grand-père et la tante de l’auteur. Dans le premier, « Le Destin », on retrouve le conte de l’orphelin abandonné par ses frères. Voué à la mort, son destin se révèle fabuleux et prend la forme de trois chevaux qui saccagent ses récoltes mais qu’il épargne et qui l’aideront, le moment voulu, à conquérir la princesse et à résister à l’adversité. Dans le second, « Les Jumeaux et le Monstre », le héros, chasseur émérite, surprend un secret de la brousse. N’ayant pas su le taire, il aurait pu y laisser sa vie. Mais, avec l’aide de son frère, de sa mère et des savoirs magiques qu’il possède, qui pourrait lui résister ? L’histoire de ce chasseur rappelle, par bien des côtés, la longue saga malinké de Sini Mori, le chasseur qui avait épousé une femme-animal.
Béatrice Lalinon Gbado a choisi des contes très anciens et rarement publiés dans des éditions pour la jeunesse. Elle les raconte avec beaucoup de finesse. Elle se replace dans le contexte de la transmission orale, sans nostalgie pour une période révolue, mais désireuse de retisser le lien entre la sagesse des anciens et les jeunes générations.
Elle laisse courir sa plume un peu plus que la parole du conteur, se complaisant dans des digressions poétiques, philosophiques ou morales. Le lecteur en perd parfois le fil du conte. Mais, à ce détail près, l’initiative est intéressante et s’inscrit dans une politique éditoriale développée dans différentes collections : rétablir le lien entre le monde moderne et la tradition, ainsi que faire connaître à travers des livres de qualité le patrimoine culturel africain.
La présentation est sobre et aérée : une seule illustration, au trait fin, portant la pagination, court en pied de page, tout au long du livre. La couverture souple, avec rabat, donne une impression de solidité. Sa texture satinée en fait un objet agréable au toucher ; son illustration - un homme à cheval, reproduction d’un sous-verre de Dakar dans des tons ocre, relève le thème avec discrétion.
Le texte, paru pour la première fois en 1998, est ici publié dans le nouveau format de la collection « Sagesses africaines » qui prévoit une trentaine de titres en français, puis des traductions dans les langues d’origine, accompagnés d’un enregistrement sur CD audio. Les enregistrements soulignent le
caractère littéraire de ces récits, car s’ils puisent dans la tradition, ils relèvent bien du registre de la langue écrite. Le lecteur a une belle voix, chaude et vibrante. Des voix féminines chantent les transitions du récit (formules ou chants) dans les langues d’origine. Un bel ensemble qui suppose néanmoins une bonne maîtrise de la langue, à écouter en famille pour retrouver l’esprit convivial de la veillée.
MPH