Pourquoi le crapaud chante la nuit ?
Contes songhaï du Burkina Faso
Ces contes et autres récits viennent alimenter la bibliothèque de l’association SAABU-France, créée en 2005 par d’anciens voyageurs de Tourisme et Développement solidaires, pour soutenir l’alphabétisation en songhaï, langue parlée au Burkina-Faso, au Mali et au Niger. Le recueil, cartes à l’appui, introduit d’abord brièvement les Songhaï, leur histoire, leur implantation géographique et leur culture ; il nous fait également connaître l’association burkinabé et sa passion pour la sauvegarde des traditions orales songhaï. La genèse des récits offerts et le processus de leur transformation nous sont expliqués en détail : nous apprenons comment ces contes ont été recueillis au pays et dans leur langue avant d’être traduits dans un français littéral par des stagiaires, puis réécrits pour la publication.
Les titres (« Célébrité du savoir », « L’Excès de confiance », « Une question embarrassante »),
s’ils cherchent à nous éclairer sur le sens à donner au texte, ne sont pas toujours explicites – ils ontsans doute été introduits au cours des ateliers d’écriture, forge de la version finale des textes. Les textes qui composent ce recueil, de longueur variée allant de deux à quatorze pages, se rattachent au genre
du conte et proposent habituellement une morale présentée sous forme d’adage ou de proverbe. Ils nous laissent entrevoir le pays d’où ils viennent : ses cases villageoises, ses baobabs, ses plantations de mil et de sorgho, ses écoles coraniques, ses marabouts et ses croyances, ses agriculteurs, ses éleveurs et ses commerçants. Les femmes y sont abondamment représentées, les contes évoquant leur travaux domestiques, leur rôle au foyer, et vantant leur beauté et leur sagesse pratique.
Le recueil comprend plusieurs contes animaliers mettant en scène les animaux habituels de cette zone : l’éléphant, le chien, l’araignée, l’hyène, le lièvre et le crapaud, ce dernier donnant son titre au recueil. D’autres contes nous enseignent l’origine de la mort ou du dos brisé de l’hyène, et la raison pour laquelle le crapaud vit au bord de l’eau et ne chante que la nuit. Certains de ces récits se présentent davantage comme des résumés ; d’autres, plus élaborés, font la leçon aux jeunes filles à marier et aux couples, et brossent un tableau souriant de la polygamie. C’est le cas en particulier du conte le plus long, qui raconte l’histoire d’Hamidou le marabout et de ses trois épouses bien-aimées. L’un des textes, un peu à part, propose une réflexion sur la langue et invite ses lecteurs à dépasser leurs différences dialectales pour vivre en bonne intelligence. À la lecture de ces récits, nous apprenons les dangers de l’égoïsme, de l’envie, de la vantardise et de la calomnie, et la valeur de la patience, du travail honnête et de l’indépendance financière. Parmi eux se cache « Une question embarrassante », celle à laquelle
se trouve confronté le héros, successivement tiré d’affaire par trois jeunes filles : « laquelle des trois choisir ? » (p. 93). Il est dommage que le dernier conte, en s’appesantissant sur les « ruses de femmes », fasse oublier les textes précédents et leur morale positive.
Françoise Ugochukwu