L’association Afrilivres en plein essor : un nouveau site Internet
Les livres non scolaires disponibles de vingt-neuf éditeurs d’Afrique subsaharienne sont désormais présentés sur un nouveau site : un outil précieux pour la diffusion de ces catalogues très riches en ouvrages jeunesse.
Nous sommes le lundi 25 mars 2013, il est 11 heures du matin et il y a encore peu de monde au Salon du livre de Paris. Et pour cause : c’est la matinée professionnelle, le moment des tables rondes et des rencontres consacrées à des thématiques moins « grand public ». Sur le stand des « Livres et Auteurs du Bassin du Congo », Dramane Boaré, directeur des éditions Les Classiques ivoiriens, vient d’annoncer le lancement du nouveau site Internet de l’association Afrilivres : afrilivres.net a été mis en ligne quelques minutes avant le début de la rencontre dédiée à « la diffusion et la distribution du livre en Afrique ».
Lancement du site Afrilivres au Salon du livre de Paris, 2013 |
C’est un nouveau départ pour cette association qui réunit une trentaine de maisons d’édition francophones d’Afrique subsaharienne (incluant l’île Maurice et Madagascar). Afrilivres a originellement été lancée à la fin de l’année 2001, dans une période de restructuration de l’édition dans le Nord, avec le renforcement des grands groupes éditoriaux. C’était aussi la période de la parution du fameux L’Édition sans éditeurs d’André Schiffrin1 qui rendait compte de l’uniformisation de l’économie globale du livre ; de Où va le livre ? de Jean-Yves Mollier2 qui retraçait l’évolution du marché du livre entre les années 1980 et 2000, c’est-à-dire à partir de l’entrée des groupes industriels dans l’édition ; et qui influencera le numéro 57 (2003) d’Africultures, « Où va le livre en Afrique ? ».
Dans ce contexte d’inquiétudes, Afrilivres apportait ainsi sa contribution à la défense de la bibliodiversité dans le monde du livre (un concept défendu par la toute jeune Alliance Internationale des Éditeurs Indépendants lancée en 2001). L’association ouvrait alors un nouveau champ économique pour ses éditeurs, en développant une diffusion/ distribution centralisée des publications de ses membres à partir du Bénin et de la France. En 2002, Afrilivres avait son propre stand au Salon du livre de Paris3. Les promesses d’alors ont malheureusement fait long feu, puisqu’en 2006, suite à différents problèmes, l’association est entrée dans une période de silence, qui devait durer plusieurs années.
Puis, en 2010, une remobilisation. Un nouveau bureau est élu, avec, à sa tête, la très dynamique directrice des éditions Jeunes Malgaches, Marie-Michèle Razafintsalama. En 2011, Afrilivres fait l’objet d’une étude en partenariat avec l’Institut français, l’Association internationale des libraires francophones (AILF) et l’Alliance internationale des éditeurs indépendants (AEI). L’enquête est axée sur la création d’un modèle de transport des livres entre les pays africains et vers l’international, et d’une centrale de distribution. Ce n’est donc pas un hasard si Agnès Adjaho, libraire béninoise aux long cours et ancienne présidente de l’AILF, est recrutée en mars 2012 comme directrice du nouveau projet Afrilivres. Ce renouveau est officialisé lors du Salon du livre de Paris 2012, lorsque l’Institut Français communique les résultats de l’étude, dont l’une des premières étapes concerne – justement – la relance de la base de données Internet du collectif (qui présente la production des éditeurs membres), figée depuis 2006. Au cours du même Salon du livre, Marie-Michèle Razafintsalama et Agnès Adjaho rencontrent l’association Africultures au sujet de la refonte numérique de sa base de données. Un partenariat technique entre les deux structures est officialisé en septembre 2012. Africultures est depuis en charge du développement du nouveau site Internet et de la mise à jour des catalogues présentés.
Depuis, Afrilivres affirme son nouvel essor, aussi bien sur la toile (en mai 2013, le cyber catalogue Afrilivres.net recense près de mille titres, tous genres et éditeurs confondus) que par sa présence dans les évènements du livre francophone (Paris, Genève, Bologne, Abidjan...). Un certain nombre d’éléments laissent à penser que l’association est aujourd’hui sur une bonne voie : dans un bel article publié par Livres Hebdo (n°941, 15 février 2013), la journaliste Catherine Andreucci a notamment salué « le travail de fourmi » entamé par Agnès Adjaho pour structurer une diffusion des ouvrages des éditeurs au Sud comme au Nord ; le 16 mars 2013, les éditions rwandaises Bakamé ont reçu le « Prix du meilleur éditeur en Afrique », lors de la cinquantième Foire du livre de Bologne. « C'est une fierté pour nous tous et une immense reconnaissance du continent africain, dont les éditeurs sont très peu présents sur la scène internationale », a déclaré, à cette occasion, Marie-Michèle Razafintsalama.
S’il faudra encore un peu de patience avant de pouvoir à nouveau acheter les ouvrages des éditeurs d’Afrilivres dans les librairies de toute la francophonie, nous sommes néanmoins confiants : les professionnels ne baissent pas les bras et les réseaux se consolident, petit à petit.
Notes et références
1. André Schiffrin, L'Édition sans éditeurs. Trad. de l'américain Michel Luxembourg. Paris, La Fabrique, 1999.†
2. Jean-Yves Mollier (sous la dir. de). Où va le livre ? : édition 2007-2008. Paris, La Dispute (États des lieux), 2007.†
3. Cf.Béatrice Gbado, « L'association d'éditeurs Afrilivres. Un bilan ». In Takam Tikou, n°11, 2004.†
Pour aller plus loin
Raphaël Thierry
Doctorant, spécialiste de l’édition de littératures en Afrique subsaharienne (Université de Lorraine, France, Université de Yaoundé 1, Cameroun), chargé du projet Afrilivres à Africultures.