Alum Ndong Minko. Acte 1, L’affront
Textes et dialogues du Nlang Mvet-Oyeng
« Et aujourd’hui pour les yeux comme hier pour les oreilles, le récit Mvet demeure un enchantement décapant ». On ne contredira pas le maître conteur, feu Emmanuel Mvomo, à la lecture de ce premier tome d’Alum Ndong Minko intitulé L’affront. Car ce titre de la collection « Bande dessinée » des éditions Dagan est une « mise en bulles » d’un récit extrait de l’épopée Mvet d’Afrique Centrale ; une manière pour l’équipe du projet « Ekan » à l’origine de cet album très original de s’approprier, réactualiser et mieux faire connaître le patrimoine littéraire et musical d’Afrique centrale au (plus ou moins) jeune lectorat.
Initialement publié chez DN édition (Gabon) Alum Ndong Minko relate l’origine du conflit entre le guerrier de l’Ayong Olong qui donne son nom à l’histoire et le royaume d’Endong, le pays des immortels. Héros, Alum Ndong Minko n’en est pas moins un être cruel et assoiffé de sang. C’est lui qui agresse la délégation Yemisem en route pour Endong pour apporter les présents du mariage des deux mortelles promises aux immortels Engwang Ondo et Ndutumu Mfulu. Sa motivation est sans équivoque : il lui faut quarante peaux d’hommes pour finir la construction de sa maison ! Alors que le combat s’engage entre les protecteurs du cortège et Alum Ndong Minko, Obama Engong Ela, l’héritier Yemisem emmène ses sœurs à Endong pour avertir le chef des immortels, Akoma Mba. Le cœur de l’album concerne alors la bataille héroïque et surnaturelle que mènent Ekuru Ayeme Atura et Nkomo Zok face au sanguinaire agresseur.
Graphiquement, ce premier album donne toute sa puissance au trait de Max Obiang, richement appuyé par les encrages de Davy Ondo dont on appréciera les contrastes d’arrière-plan. Sanglant (c’est peu de le dire), fantastique, violent, l’affrontement est développé en toute liberté et dans toute sa démesure – membres fracassés, corps transpercés, peaux arrachées…
Qu’on se le dise, dans sa narration guerrière, Alum Ndong Minko emprunte aux codes des comics de super-héros américains, mais c’est surtout pour se démarquer de cette matrice et développer une dynamique propre, beaucoup moins policée et beaucoup plus libre.
Alors que les comics avaient pris leur essor à partir des « pulp magazines » américains, eux même inspirés des « dime novels » et autres feuilletons fantastiques européens, le projet « Ekan », par son rythme, la richesse de son panthéon et ses personnages hauts en couleurs, vient s’affranchir de tout modèle extérieur. Ce faisant, il contribue à valoriser un patrimoine mal connu hors du continent africain, mais qui gagne à être adapté sur de nouveaux supports, Alum Ndong Minko en est la preuve flagrante. Et l’on lira avec hâte la suite intitulée La Riposte des immortels.
RT