Au Burundi, des bibliothèques « papier+numérique » en kit
Depuis 2014 des Ideas Box sont présentes dans des camps de réfugiés au Burundi. À travers un entretien avec Maurice Mayimbikiza, coordinateur du projet, et Jérémy Lachal, directeur de l’ONG française Bibliothèques Sans Frontières, nous présentons en détail cette action de coopération internationale, depuis sa conception jusqu’à ses premiers impacts et son futur.
Maurice Mayimbikiza, Jérémy Lachal, pourriez-vous vous présenter?
Maurice Mayimbikiza :
J’aurais bientôt trente-quatre ans, je suis marié et père d’une petite fille. J’ai un diplôme de psychologie clinique et sociale, obtenu à l’université du Burundi. J’aime le cinéma, la musique, le sport, la lecture… J’ai travaillé dans plusieurs projets auprès de différentes populations cible: la communauté burundaise, des personnes dans des camps des réfugiés et des rapatriés. J’ai participé à plusieurs activités de terrain en tant qu’enquêteur, assistant de recherche et consultant et ceci dans des domaines différents - psychosocial, santé et nutrition, éducation et média – pour des ONG diverses. Par exemple, j’ai étudié l’impact des activités socio sportives sur la vie des jeunes, vulnérables ou non, j’ai travaillé dans le camp des réfugiés de Musasa (où, comme on verra, est implantée une des Ideas Box) dans un projet en faveur du respect des standards au niveau de l’assistance et de la protection des réfugiés, j’ai travaillé pour un projet d’appui aux écoles secondaires ayant comme élèves de très nombreux jeunes rapatriés…
De février à août 2014, j’ai été le chargé de projet Ideas Box au camp de Musasa. Depuis septembre 2014, j’en suis le coordinateur. J’ai participé au lancement des activités du projet et ayant acquis de l’expérience sur le fonctionnement des Ideas Box, je suis aussi formateur.
Jérémy Lachal :
Je suis diplômé de l’Institut d’études politiques (Sciences Po) de Paris et titulaire d'un master en Droit International. J’ai fondé Bibliothèques Sans Frontières (BSF) en 2007 avec l’historien Patrick Weil, convaincu que l’accès à l’information, à la culture et à l’éducation sont de formidables leviers pour le développement des hommes et des sociétés et qu’ils impactent à ce titre l’ensemble des objectifs de développement du millénaire, depuis l’élimination de l’extrême pauvreté jusqu’à l’amélioration de la santé ou de l’accès au droit en passant par l’éducation pour tous.
En tant que Directeur Général, j’ai toujours œuvré pour que BSF devienne un acteur résolument tourné vers l’innovation et vers les dynamiques de transformation sociale que peuvent apporter les bibliothèques et l’accès à l’information et à l’éducation. Je pense en particulier à la création de la version française de la Khan Academy, une plateforme d’apprentissage individualisée qui réunit chaque mois près de 10 millions d’utilisateurs à travers le monde.
Par ailleurs, j’ai été associé au programme international de leadership de l’IFLA (Fédération Internationale d’Associations de Bibliothèques et d’Institutions) de 2012 à 2014 au sein duquel j‘ai participé à la conception de stratégies internationales en matière de promotion des bibliothèques, de l’open access et du partage de l’information.
Qu’est-ce qu’une Ideas Box ?
Jérémy Lachal :
L’Ideas Box est une médiathèque en kit qui tient sur deux palettes de transport ; elle s’ouvre en moins de 20 minutes pour créer un espace de 100m2. Dotée d’une connexion internet satellitaire ou 4G, d’une vingtaine d’ordinateurs et de tablettes tactiles, de livres électroniques et papier et d’un cinéma (avec une télévision et un vidéoprojecteur), elle est un concentré de technologies et de savoir-faire made in France. Nous l’avons initialement conçue avec l’aide de l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés et du designer Philippe Starck, pour apporter l’éducation et la culture dans des situations d’urgence humanitaire et cela, dans toutes les langues. Robuste, facilement transportable et autonome énergétiquement grâce à son groupe électrogène intégré, l’Ideas Box permet de créer un espace où peuvent s’épanouir les énergies créatives dans les situations les plus difficiles. C’est une formidable boite à outils dans laquelle enfants et adultes viennent puiser pour construire leur futur.
Les premières Ideas Box ont été déployées il y a un an déjà au Burundi, dans des camps de réfugiés.
Pouvez-vous nous parler des camps de réfugiés au Burundi ?
Maurice Mayimbikiza :
Au Burundi, il y a quatre camps de réfugiés congolais, dont deux (Musasa et Kinama) au nord du pays et deux (Bwagiriza et Kavumu) à l’est. Kinama (9894 habitants) existe depuis 2002, Musasa (7019 habitants) a ouvert en 2007, Bwagiriza (9600 habitants) en 2009 et Kavumu, en 2013 - il est déjà occupé par plus de 6200 personnes réfugiées et continue à accueillir d’autres. C’est à cause de l’insécurité dans certaines zones de leur pays d’origine, la RDC, que l’on continue à accueillir de nouveaux réfugiés. Les camps disposent de bâtiments communautaires : le Centre de santé, le Centre espoir qui vient en aide aux personnes à besoins spécifiques, la salle polyvalente, pour des réunions, le bloc administratif, pour les partenaires œuvrant dans les camps, les écoles et les paillottes de BSF et deux hangars, pour des foires et pour la distribution des vivres et autres. A Bwagiriza, pour le projet Ideas Box, on travaille dans les locaux de l’ancienne bibliothèque du camp, qui ne contenait que quelques ouvrages anciens.
Les réfugiés participent à la vie du camp au quotidien à travers seize différents comités avec à leur tête le comité directeur, instance de la représentation générale des réfugiés. Les membres de ces comités se réunissent une fois par mois et ils sont impliqués dans toutes les activités des ONG œuvrant dans les camps, chacune dans un domaine spécifique1, pour l’assistance et la protection des réfugiés - notons que les projets des autres ONG interagissent avec le projet Ideas Box : l’équipement technique des Box peut être utilisé par les autres partenaires au service des réfugiés), de par ses ressources documentaires, les Box donnent accès aux informations nécessaires aux bénéficiaires de ces projets …
Par ailleurs, au sud du pays il y a des villages ruraux qui sont des sites de personnes rapatriées, des anciens réfugiés burundais qui étaient en Tanzanie, qui vivent dans des situations précaires et sont en quelque sorte coupés du monde, parce que l’accès à l’information et à la culture n’est pas facile. Pour remédier à cela, ils se sont regroupés en associations, appuyées par le PNUD, Programme des Nations unies pour le développement. Près de ces sites se sont construits des centres de jeunes, mais sans équipements, avec juste quelques outils pour la sonorisation et le cinéma. Pour ces villages, l’Ideas Box est venue comme une réponse à la rupture socio-culturelle et au manque d’information.
Parlons enfin des nombreux réfugiés urbains (plus de vingt mille), dispersés dans les différentes communes de la capitale, Bujumbura. Ils ont aussi des comités de représentation, ce qui facilite l’intervention des partenaires. La majorité de ces réfugiés sont des enfants et des jeunes, élèves et étudiants qui fréquentent différentes écoles de Bujumbura. Un centre d’orientation des réfugiés accueille plus de cent personnes par jour, ce qui justifierait l’installation d’une Ideas Box…
Pourquoi, comment, à qui BSF a-t-elle proposé les Ideas Box au Burundi ?
Jérémy Lachal :
BSF est présente dans la région des Grands Lacs depuis 2011 à travers des programmes d’appui à la Bibliothèque Publique de Kigali d’une part et au réseau des bibliothèques universitaires de la RDC, du Rwanda et du Burundi d’autre part. Les camps de réfugiés du Burundi accueillent des dizaines de milliers de personnes sans aucun accès aux livres et à l’information. Le Haut Commissariat des Nations-Unies pour les réfugiés (UNHCR), en charge de ces camps, et l’International Rescue Committee (IRC) qui y développe de nombreux programmes, notamment socioéducatifs, se sont montrés très intéressés par les actions et l’expertise de BSF et ont apporté leur concours dans la conception et le déploiement des premières Ideas Box au Burundi. Depuis février 2014, quatre Ideas Box ont été déployées, dont trois dans des camps de réfugiés congolais (Musasa, Kavumu, Bwagiriza) et une dans un village rural pour rapatriés burundais.
Quel est le coût de l’opération et comment est-elle financée ?
Jérémy Lachal :
Le coût total d’une Ideas Box est de 50.000 euros aujourd’hui, parce qu’elle est fabriquée sur mesure par des artisans. Nous souhaitons diviser ce coût par deux dans les prochaines années, grâce aux économies d’échelle. Le budget total du programme au Burundi incluant les coûts de recherche et développement dépasse le million d’euros sur 3 ans. Nous avons pour cela bénéficié du soutien de la Fondation Alexander Soros, de l’Association Pierre Bellon, du PNUD, du Ministère français des Affaires étrangères et du Développement international et de la Mairie de Paris.
Quand et comment les Ideas Box ont-elles été installées ?
Maurice Mayimbikiza :
Comme le disait Jérémy, les deux premières Ideas Box ont été installées dans deux camps (Musasa et Kavumu) en février 2014, dans un espace spécifique adapté au contexte du camp et en tenant compte des contenus et des objectifs à atteindre. Ainsi, avec l’appui du HCR/Burundi, trois paillottes - une grande pour des activités avec des grands groupes ou des accès libres et deux petites pour les animations avec les groupes réduits - ont été construites à l’intérieur de chaque camp, ce qui a permis une bonne mise en place des différentes activités. Avant l’installation, les équipes gestionnaires des Box ont été formées. La troisième Ideas Box a été déployée dans le camp de Bwagiriza en juillet 2014. Une autre Box a été installée au sud du pays auprès des réfugiés burundais que l’on évoquait plus haut.
Quels livres papier, quels livres numériques sont proposés ? Quels DVD ? Que peut-on trouver dans les ordinateurs et sur les tablettes ? Pourriez-vous nous dire aussi comment ces ressources ont été choisies et acquises?
Jérémy Lachal :
Une Box propose environ 250 livres papier et plusieurs centaines de livres numériques, aussi bien de la documentation que de la littérature pour la jeunesse et pour les adultes. Il y a également une centaine de films en DVD. La sélection des contenus se fait toujours en tenant compte des besoins de la population et en lien étroit avec les acteurs culturels du pays en question. Pour le Burundi, nous avons travaillé beaucoup avec l’Institut français à Bujumbura mais aussi avec des libraires et des bibliothèques de la sous-région, en particulier du Congo, étant donné que l’immense majorité des réfugiés viennent du Kivu, à l’est de la RDC. Les tablettes proposent une centaine d’applications ludiques, créatives et éducatives. On retrouve aussi bien des jeux (très prisés par les enfants) que des applications d’éveil, de géographie ou des encyclopédies. Il y a également des applications pour le montage vidéo, la pratique de la photographie ou la production de musique. Enfin, le serveur de la Box propose de nombreuses ressources accessibles hors ligne, sans connexion internet. Les applications les plus consultées sont la Khan Academy, que BSF a adapté en français, et Kiwix, la version hors ligne de Wikipedia.
Maurice Mayimbikiza :
Ajoutons que sur les ordinateurs, nous proposons des logiciels classiques pour la rédaction, pour l’apprentissage des notions d’informatique… Ces ordinateurs permettent aussi d’accéder à Internet via la connexion satellitaire, pour trouver des informations sur différents sites et pour accéder aux réseaux sociaux, ce qui permetde garder le contact avec les familles éloignées – restées au pays d’origine ou réinstallées - des personnes bénéficiaires.
Qui anime les Ideas Box ?
Maurice Mayimbikiza :
Les Ideas Box sont animées par cinq animateurs congolais (des réfugiés) et un « chargé de Box », burundais. Les « chargés de Box » ont été recrutés à partir d’un appel d’offres lancé par BSF au début de ses activités au Burundi. Les animateurs ont été recrutés dans la communauté des réfugiés suivant leurs compétences par rapport aux postes à pourvoir. Pour les animateurs, nous avons mis l’accent sur leurs compétences en informatique et leur capacité à animer des séances de médiation culturelle.
Avant de lancer les activités des Ideas Box, une formation initiale a été dispensée aux équipes gestionnaires des Box par trois formateurs venus de France. Cette formation dure deux semaines et aborde tous les aspects du fonctionnement de l’Ideas Box, techniques, pédagogiques et ludiques.
Comment se déroule l’accueil du public ?
Maurice Mayimbikiza :
Dans les camps, les Ideas Box sont ouvertes du lundi au vendredi, de 9h à 15h. Nous souhaiterions élargir les horaires, au regard du très grand nombre d’usagers, mais nous sommes aujourd’hui contraints par les horaires d’ouverture du camp, décidés par le ministère de l’Intérieur burundais et le HCR.
Les programmes d’activités, individuelles et en groupe, sont déterminés par les « chargés de Box » en tenant compte des réalités et des besoins de la communauté et en cohérence avec les objectifs à atteindre au niveau du projet Ideas Box, qu’ils soient éducatifs (renforcement du niveau scolaire, alphabétisation), informationnels (« littératie »2 numérique, accompagnement à l’usage des outils numériques) ou culturels. Certaines animations sont bâties autour des livres (albums, romans, documentaires…), d’autres proposent des films pour les jeunes et pour les adultes, d’autres encore se basent sur des contenus numériques, sur les tablettes et les liseuses.
Qui sont vos utilisateurs ?
Maurice Mayimbikiza :
Ce sont des réfugiés qui vivent dans les camps et aussi des Burundais qui vivent aux alentours de ces camps. Il est important d’impliquer les habitants des environs et de leur donner accès aux bibliothèques, car ils constituent la population hôte et que les deux communautés doivent collaborer, parce qu’ils vivent quasiment dans les mêmes conditions malgré la différence des statuts.
Nous pouvons parler de différentes catégories d’utilisateurs : les plus jeunes - enfants des écoles maternelles et primaires -, les jeunes de l’école secondaire et les adultes, hommes et femmes. Ce sont les enfants et les jeunes qui ont entre 5 et 25 ans qui viennent le plus fréquemment aux séances d’animation. Les adultes participent dans différentes activités, mais pas au même rythme que les jeunes.
Jérémy Lachal :
Comme le dit Maurice, le programme devait viser tout particulièrement les réfugiés : les enfants (de 3 à 11 ans), les femmes vulnérables et isolées et les adolescents et jeunes adultes sans activité professionnelle. Mais l’ouverture du dispositif aux populations hôtes s’est immédiatement révélée comme un élément déterminant de la réussite du programme. Le premier fait majeur observable demeure la très forte adhésion des bénéficiaires au dispositif : nous avons recensé plus de 24 000 visites les trois premiers mois de fonctionnement au Burundi! Et dans chacun des camps, l’Ideas Box est parvenue à rassembler une base d’usagers large et diversifiée.
Quelles sont les documents, les supports, les ressources que les utilisateurs préfèrent ?
Maurice Mayimbikiza :
Au niveau des supports et des arts préférés, c’est d’abord le matériel numérique (les tablettes surtout), et puis, le cinéma - les images et les vidéos sont beaucoup plus « parlantes » et sont facilement compréhensibles). Il y a une très grande demande pour le matériel numérique. La plupart n’avait jamais vu ni utilisé une tablette ou une liseuse…
Pour les livres papier et les jeux de société, c’est un rythme « normal » d’utilisation.
Les livres jeunesse les plus consultés, ce sont ceux en rapport avec les thèmes traités à l’école, par exemple des ouvrages sur le corps humain, l’histoire et la géographie, les encyclopédies… Et aussi, les livres très illustrés, les albums et les BD, les livres sur le sport et sur la musique.
Quelles difficultés, quels changements par rapport à l’idée initiale ?
Maurice Mayimbikiza :
Certains de nos bénéficiaires ne sont pas allés à l’école et leur niveau de compréhension et d’adaptation ne correspond pas à celui requis par le matériel des Box, ce qui rejaillit sur certaines activités et exige des efforts supplémentaires au niveau de la mise en place des activités d’animation. Une autre difficulté, c’est la grande demande des bénéficiaires, que nous n’arrivons pas à satisfaire à certaines périodes, surtout pendant les vacances scolaires quand les jeunes réfugiés n’ont comme occupation que de venir à la bibliothèque. Chacun veut passer en premier pour participer à une séance d’animation, ou passer le plus de temps possible avec une tablette ou une liseuse, chacun veut faire sa découverte… Nous ne pouvons pas accueillir tous ceux qui veulent entrer et qui attendent, et l’heure de fermeture arrive…
Quels impacts avez-vous pu observer?
Jérémy Lachal :
De nombreux impacts ont été identifiés, mais l’élément le plus notable est la très forte appropriation de l’Ideas Box par les communautés et la créativité qui en émerge : des associations locales ou des groupes de femmes utilisent la Box pour organiser des ateliers, des animations. Dans l’un des camps, un groupe de réfugiés est en train de créer un journal pour diffuser des nouvelles sur la vie du camp. Dans un autre, c’est un collectif de slam et de théâtre qui se constitue autour de l’Ideas Box. Ce sont les utilisateurs qui la font vivre et c’est la preuve que notre défi est relevé !
L’impact éducatif est très fort également. Si elle ne remplace en aucun cas l’école, l’Ideas Box crée un espace de travail extra-scolaire jusqu’alors inexistant qui permet aux enfants de faire leurs devoirs, et d’accéder à des contenus éducatifs de haute qualité.
Maurice Mayimbikiza :
L’impact des Ideas Box est « positif », et ceci je peux le dire parce que je l’ai vécu, à côté de la population bénéficiaire. Normalement, dans les camps, il existe des activités de routine, stables, régulières, et qui concernent telle ou telle autre personne, ou un groupe déterminé. Ainsi, la plupart des projets menés dans les camps concernent un certain nombre de personnes cibles, des groupes restreints. Mais le premier aspect positif de la Box, c’est que, quand elle est déployée, elle est à la disposition de toute la communauté sans aucune distinction, chacun peut y trouver sa place et y voir un contenu qui est adapté à sa situation et à ses besoins. C’est pour dire donc que, depuis l’ouverture des Ideas Box, du matin jusqu’à la fermeture, il y a tout au long de la journée des personnes qui sont là, pour faire des recherches, pour la documentation ou pour une lecture individuelle, ou en groupe, pour participer à des séances d’animation… La Box est venue répondre tant aux problèmes d’ennui dans les camps qu’au manque d’information. Signalons que l’espace de l’Ideas Box devient un lieu de rencontre et d’échange sur divers thèmes qui intéressent les réfugiés ; elle permet de rétablir les liens culturels au sein de la population. Notons aussi que tous les retours des bénéficiaires sont très positifs ; par exemple les parents disent que leurs enfants ont un endroit sécurisé où ils peuvent apprendre et jouer en même temps, avec un bon encadrement. Signalons enfin que dans toutes les Ideas Box nous continuons à inscrire de nouveaux membres qui veulent participer à différentes activités organisées.
Comment le programme Ideas Box communique-t-il avec les bibliothèques du Burundi ?
Maurice Mayimbikiza :
Le projet est partenaire de l’Institut français du Burundi, qui dispose d’une grande bibliothèque et vidéothèque. Ce partenariat porte sur l’échange de contenus, surtout des films, en vue de diversifier les propositions de contenus dans les camps. L’IfB apporte aussi un soutien au niveau des formations du personnel, grâce à leur longue expérience dans la gestion des bibliothèques. Avec les autres bibliothèques burundaises il n’y a pas vraiment de communication, simplement parce qu’il n’y en a pas dans les environs des sites où sont installées les Ideas Box.
Jérémy Lachal :
BSF dialogue avec le CEBULAC, Centre Burundais pour la Lecture et l’Animation Culturelle, mais plutôt autour de questions d’accès des Burundais – et non des personnes réfugiées - à la lecture et à l’information.
Quel futur envisage-t-on pour les Ideas Box au Burundi, y compris par rapport au renouvellement des contenus ?
Maurice Mayimbikiza :
Les Ideas Box sont gérées par BSF pendant une année, et après, elles sont transférées àun partenaire local ou une organisation implantée sur le site. Ce transfert est en cours en ce moment pour les deux premières Box installées. C’est l’International Rescue Committee qui est en charge des activités éducatives et psychosociales dans les camps pour le HCR qui assure la relève du programme. Mais BSF « garde un œil » sur les Box, avec un suivi régulier et des contacts fréquents avec le partenaire pour échanger sur ses pratiques, mettre à jour les contenus et suivre la pérennité des activités, dans le cadre des objectifs du projet. Nous sommes par ailleurs en train de développer une plateforme web qui permettra aux gestionnaires de Box, où qu’ils soient dans le monde, de télécharger de nouveaux contenus. La plateforme sélectionnera de nouveaux contenus en permanence et établira des partenariats, comme nous sommes en train de le faire avec l’INA par exemple, pour permettre un renouvellement régulier des contenus.
Au Burundi nous comptons installer des Ideas Box dans le CUCOR (Centre urbain de Conseil et d’Orientation des Réfugiés) et dans le dernier camp, Kinama, ainsi que dans d’autres sites de rapatriés, des écoles et des villages pilotes, des prisons… À Bujumbura, nous sommes un bureau régional, nous sommes en train de développer des partenariats en RDC et au Rwanda pour des installations dans les camps et d’autres sites à identifier.
Des implantations de l’Ideas Box sont-elles envisagées dans d’autres pays ?
Jérémy Lachal :
Oui. Tout cela n’est qu’un début, nous voulons déployer 100 Ideas Box ces deux prochaines années ! Nous commençons ce mois-ci un programme en Jordanie auprès des réfugiés syriens. Et d’autres programmes se dessinent, en Australie pour les populations aborigènes, en Éthiopie pour les réfugiés somaliens… Mais l’Ideas Box, ça marche aussi en France, pour lutter contre les inégalités territoriales, quand la bibliothèque est trop éloignée. Calais est ainsi la première ville française à se doter d’une Ideas Box. C’est la bibliothèque qui l’opérera pour aller à la rencontre des populations éloignées de la culture et des migrants. Des programmes sont par ailleurs en construction à Paris et à Metz dans le même esprit.
Notes et références
1. Nous pouvons citer : l’administration, la sécurité, la détermination du statut des réfugiés et la gestion du camp dont s’occupe l’ONPRA (Office National de Protection des Réfugiés et Apatrides), la protection des enfants, SGBV (sexual and gender-based violence, violence sexuelle et de genre), aide juridique, suivi des personnes à besoins spécifiques, mobilisation communautaire et éducation à la paix, gérées par IRC, assistance en vivres et non vivre, par CARITAS, éducation, par JRS, santé physique et mentale, gérés par AHA (Africa Humanitarian Action), assistance en eau, hygiène et assainissement et la protection de l’environnement, par COPED, et l’accès à la culture et l’information à travers le projet Ideas Box/BSF. †
2. NDLR Selon l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), la littératie est « l’aptitude à comprendre et à utiliser l’information écrite dans la vie courante, à la maison, au travail et dans la collectivité en vue d’atteindre des buts personnels et d'étendre ses connaissances et ses capacités. »(Wikipédia, consulté le 5-3-2015). †