Ouagadougou pressé
« Ouagadougou pressé » est le nom donné à un fou du village, au Burkina Faso, qui se prend pour l'autobus qui fait la liaison entre Fada N’Gourma et Ouagadougou. Il pourrait être l’allégorie de cet album bâti comme une folle traversée entre l’Afrique et le quartier de Château Rouge, à Paris, où deux cultures, deux espaces-temps, ne cessent de se télescoper dans la vie quotidienne d’une jeune fille burkinabé installée en France.
L’album fait se succéder avec humour des saynètes inspirées de la vie de « Rouki » ou « Petit modèle » (qui n’est autre que Roukiata Ouedraogo, l’autrice, qui est aussi comédienne et chroniqueuse radio), dont le moindre événement résonne simultanément en Afrique et en France, donnant lieu à des imbroglios savoureux (comme l’annonce du passage à la radio de son frère, depuis une chambre à Paris, qui arrive de proche en proche jusqu’à l’oreille du directeur de la Banque centrale du Burkina Faso). Aude Massot dans les illustrations, comme Roukiata Ouedraogo dans le récit, croquent plus qu'elles ne racontent, jouent avec les stéréotypes autant pour en rire que pour les dénoncer. C'est une peinture de mœurs autant qu’une fiction ; une autobiographie dont l'enchantement tient à la force de dérision, sur des sujets parfois aussi sérieux que le harcèlement sexuel ou la corruption. Grinçant et tendre à la fois, Ouagadougou pressé est un album de croquis survolté, à l’image de la couleur jaune (comme le rire) qui domine ses planches. C'est aussi un éloge de la débrouillardise.