Cheikh Anta Diop, guérisseur de zombies
Il s’agit, d’après l’éditeur, de la « biographie du savant noir le plus influent, enfin pensée pour les enfants ! ». Tout en racontant la vie du penseur et homme politique sénégalais, l’album cherche à illustrer le geste théorique du mouvement de la Renaissance africaine, qui consiste à désenclaver la conscience historique des peuples africains d’une vision européocentrée. Le livre est ainsi bâti sur plusieurs niveaux de lecture : le registre historique, avec un calendrier mixte, qui superpose les datations égyptienne, chrétienne et musulmane ; le registre métaphorique ou « initiatique », où le zombie figure l’état de dépossession de la jeunesse sénégalaise de sa langue et de son africanité par la puissance coloniale ; le registre ludique, avec des jeux et des encarts pédagogiques. Il résulte de l’imbrication de ces registres, à la fois la profonde originalité voire l’audace de cet album, et une relative surcharge visuelle qui donne à la lecture un certain niveau de complexité et souvent un manque de clarté. Et en effet la quatrième de couverture précise : « À lire avec tes parents. » Si le texte est écrit comme une comptine, parsemé de rimes internes, le propos, lui, est ambitieux, avec une claire visée édificatrice afrocentrée. L’expérience de lecture est à faire, d’autant que Julien Kemloh, promoteur de la maison d’édition camerounaise Awoulawoula médias et auteur de l’album, n’en est qu’au premier numéro d’une collection dédiée aux « ancêtres charismatiques » des peuples africains. Affaire à suivre.
JS