Petit Jo, enfant des rues
Une fois n’est pas coutume, faisons une incursion dans l’édition para scolaire avec la récente collection « Littérafrique » chez Edicef. À l’intention des élèves du second cycle, les titres de cette collection - une quinzaine parmi lesquels L’Aventure ambiguë de Cheikh Hamidou Kane, L’Appel des arènes d’Aminata Sow Fall ou encore Reine Pokou de Véronique Tadjo - sont tous accompagnés d’un parcours de lecture et d’activités qui jalonne le texte.) Nous y découvrons donc dans la compagnie prestigieuse de quelques grands « classiques » africains, ce roman pour la jeunesse inédit.
Petit Jo, enfant des rues rejoint nombre d’autres romans qui, par leur intention, leur thématique, s’attachent à des itinéraires de vie chaotiques, avec de jeunes héros marqués dès la naissance par l’adversité. Comment alors survivre, échapper au pire, se construire un avenir digne de ce nom quand tout y fait obstacle ?
Le Petit Jo de ce roman a été abandonné dès la naissance. On ne sait rien de ses origines sinon qu’il est métisse. La violence de sa jeune existence saisit le lecteur dès la première page : survie au quotidien dans un container partagé avec quelques durs de la rue, maigre salaire de petit porteur, rencontre avec un père adoptif providentiel qui meurt bientôt, éjection de l’école puisque sans identité officielle, maladie… Grâce à la volonté de s’en sortir et aux hasards des rencontres, l’avenir, enfin, s’éclairera, mais cela n’adviendra que lorsque l’adolescent aura pu avancer dans la recherche de ses origines. Message moral il y a dans ce roman et stigmatisation aussi. L’auteur, Evelyne Mpoudi Ngollè, inspectrice générale de pédagogie en charge des lettres, arts et langues pour l’enseignement secondaire au Cameroun, tout en décrivant dans le détail le pathétique d’une telle vie (plausible, bien sûr), oblige implicitement à se questionner sur une société qui le favorise. Un des personnages clés, Man, est un adolescent d’un milieu aisé. Il « tourne mal », mais ce sont ses parents qui sont jugés : leur éducation, leur démission, la polygamie, les jeunes maîtresses, l’argent… Face à la délinquance, la perte des valeurs, le drame des abandons d’enfants (jeunes filles abusées par un Blanc), l’auteur oppose la quête de repères, les bienfaits de la solidarité, le refus de la facilité, les valeurs chrétiennes aussi. L’épilogue, avec le retour au village de Jo, devenu adulte, pour y travailler la terre, l’engagement religieux, l’ouverture aux autres, laisse entrevoir un avenir plus serein, à l’écart de la ville de sa jeunesse. Cette issue interpelle, en cela qu’elle rejoint nombre d’autres, dans la littérature jeunesse africaine, récente et plus ancienne : le monde moderne, avec la ville qui en est le symbole, apparaît comme foyer de tous les dangers, de toutes les dérives en regard d’un monde encore préservé qui seul peut permettre de se « construire ». L’écriture classique, agréable, permet une lecture sans temps mort de ce roman dont le pathétique et l’émotionnel sont les ressorts. Il a été choisi pour figurer au programme scolaire camerounais en classe de 3e. E. Mpoudi Ngollé a aussi publié, chez L’Harmattan, Sous la cendre, le feu, un roman qui a également figuré au programme scolaire camerounais. (
ML