Un ouvrage de recherche sur la littérature de jeunesse du Burkina Faso

Viviana Quiñones
Couverture de l’ouvrage.

Depuis quelques années, la littérature africaine de jeunesse est enfin étudiée dans des ouvrages faisant état des recherches universitaires. Mais ce livre d’Alain Joseph Sissao est le premier consacré à la littérature de jeunesse d’un pays d’Afrique francophone, le Burkina Faso : un événement et une reconnaissance en soi.

Un projet de recherche pour promouvoir la littérature de jeunesse burkinabè

Alain Joseph Sissao, auteur de plusieurs ouvrages sur la littérature orale du Burkina, a coordonné les recherches d’une équipe pluridisciplinaire – littérature, linguistique, anthropologie, édition – composée de chercheurs de ce pays et d’un chercheur au CNRS en France, et dirigé l’ouvrage. Son intention est de faire connaître les richesses de cette littérature naissante, notamment auprès des enseignants, afin qu’ils puissent les exploiter à tous les niveaux du cursus scolaire, car la littérature burkinabè de jeunesse est totalement absente dans les programmes du pays. Quelle est la littérature étudiée dans cet ouvrage ? La littérature en français – pas celle en langues nationales ou en d’autres langues –, tant orale qu’écrite : l’ouvrage prenant tout naturellement en compte ces deux « versants ».

Un recensement des publications entre 1976 et 2004

La première partie dresse un état de lieux, avec un recensement, précieux, des titres qui à partir de 1976 ont été publiés par des auteurs burkinabè à l’étranger et au pays, ainsi que ceux publiés sur le Burkina en France. Ce sont 155 titres – jusqu’en 2004, date de l’arrêt de la recherche – classés par genre, les contes et légendes étant les plus nombreux (la grande majorité de ces livres, ainsi que ceux parus depuis, sont consultables à la BnF/ CNLJ-La Joie par les livres où Alain Joseph Sissao a mené des recherches). L’auteur regrette l’insuffisance de la production, les défauts fréquents d’édition, et surtout le manque de vulgarisation : au Burkina, le taux de scolarisation augmente, mais ces livres n’atteignent pas les jeunes. L’adoption d’une politique nationale du livre est attendue. Un deuxième texte analyse les ouvrages disponibles en librairie et constate que, si l’offre existe bel et bien, il n’y a en revanche pas de véritable travail professionnel d’édition ni de maison d’édition pérenne.

L’importance des contes et des romans

Les contes

La deuxième partie étudie la littérature orale avec : 

  • la présence durable du conte dans les programmes de la télévision et de la radio nationales (en langues nationales à la radio rurale) et au théâtre, ce qui permet de préserver ce précieux outil d’éducation
  • l’analyse des sens profonds d’un conte bobo, révélés par son étude ethno-linguistique
  • la relation entre l’enfant et le conte en milieu dioula (« le conte dioula est un centre de formation continue, un espace de veille de la société »)
  • le conte comme enseignement à divers titres
  • la question du passage ou non de la charge éducative d’un conte lors de sa traduction
  • les rapports entre la version orale d’un conte au village, la version radio, la version télévisée et la version écrite.

Les romans

La troisième partie, « le roman et l’enfance », nous laisse, comme l’ouvrage en général d’ailleurs, sur notre faim ; nous aimerions en savoir plus sur les écrits burkinabè pour la jeunesse. Les deux textes de cette partie nous éclairent bien sur les rapports entre enfants et adultes et sur le statut de la jeune fille au Burkina, mais ils le font à partir de l’étude de romans. Or, si ces romans ont pu être lus par des adolescents, ils n’ont pas été publiés pour la jeunesse. Pourquoi ne pas avoir analysé des récits pour enfants, comme Tiiga, Je veux la lune, Hôtes de marque, ou encore Histoire de Pendo… ?

Une littérature fortement contrainte par les difficultés éditoriales du Burkina Faso

L’ouvrage se conclut par une interview d’Ansomwin Ignace Hien, auteur de nombreux livres pour enfants, qui met en évidence les difficultés de l’édition dans son pays : dépendance de l’aide financière, coût élevé de la quadrichromie, étroitesse du marché, diffusion et distribution déficientes, absence de contact entre les maillons de la chaîne du livre…

La situation n’a pas beaucoup changé depuis 2004. Si la Foire Internationale du livre de Ouagadougou (FILO) se tient tous les ans et donne une visibilité aux ouvrages pour les jeunes, malgré les difficultés du pays, la politique nationale du livre qu’Alain Joseph Sissao attendait en 2004 n’est toujours pas entrée en vigueur. Mais elle devrait être, semble-t-il, bientôt finalisée et mise en place. Les jeunes lecteurs, en tout cas, en ont bien besoin.

Note de lecture parue initialement dans BBF (2/ 2010) : http://bbf.enssib.fr