En Martinique, le Village antillais de la littérature de jeunesse

Rencontre avec Marcellin Bertrand, responsable du service culturel de la ville du Prêcheur, Martinique

Nathalie Beau
Animation au Village antillais de la littérature de jeunesse

Nous avons connaissance, depuis plusieurs années, des actions de la ville du Prêcheur dans le domaine de la promotion du livre et de la lecture des enfants aux Antilles. Marcellin Bertrand, à l’origine de l’initiative du Village antillais de la littérature de jeunesse, nous fait partager cette expérience aujourd’hui. La création du Village répond aux besoins des professionnels comme à ceux des enfants, à travers une programmation qui met en valeur la production de livres de la région et permet à tous ses publics de vivre d’enrichissantes rencontres.

Comment est né le projet d’un Village antillais de la littérature de jeunesse ? Pourquoi au Prêcheur ?

Le projet d’un Village antillais de la littérature de jeunesse est né de la conjonction de deux volontés, celle des professionnels du livre pour la jeunesse aux Antilles et celle de la commune du Prêcheur, à la Martinique.
Depuis plusieurs années, les professionnels du livre de la région, et plus spécialement l’Association des bibliothèques publiques de Martinique, cherchaient à créer un événement qui mette en lumière leur travail. Il s’imposait de proposer un Salon du livre où le public pourrait rencontrer les auteurs, découvrir la production littéraire et où les professionnels pourraient partager leurs expériences. Ce devait aussi être un moyen pour stimuler la production, car tous déploraient le manque criant d’ouvrages antillais destinés à la jeunesse.
Or, depuis 2004, la commune du Prêcheur (1 700 habitants) a choisi de mener une importante politique de lecture publique, notamment en direction du jeune public, avec la création d’un espace multimédia, l’aménagement d’une salle destinée aux enfants, la mise en place d’un programme d’animation annuel (atelier conte, atelier marionnette…). Le budget d’acquisition de livres pour l’espace jeunesse a été augmenté. La municipalité a aussi permis la réédition du roman La Caldeira du grand écrivain martiniquais Raphaël Tardon, qui est une belle reconstitution de Saint-Pierre d’avant l’éruption de 1902. Enfin, il a été décidé de donner à la bibliothèque le nom de Raphaël Tardon.
C’est donc dans cette dynamique que, tout naturellement, la municipalité a décidé, en 2007, de créer le Village antillais de la littérature de jeunesse. Un projet qui se veut original, en ce sens qu’il réunit à la fois un Salon du livre et un prix littéraire1, nommé également Raphaël Tardon , destinés à faire la promotion de la littérature antillaise de jeunesse.

Quelles sont les missions que le Village s’est données ?

Le Village veut soutenir la publication d’ouvrages antillais destinés à la jeunesse et nous pensons que le Prix Raphaël Tardon peut être un bon moteur. Pour inciter à plus de professionnalisme et à la publication d’ouvrages de qualité, nous avons exclu du prix les livres publiés à compte d’auteur.
Nous croyons beaucoup à l’espace d’échanges qu’est le Village, aux rencontres de tous les professionnels du livre, de la lecture et de la petite enfance, et à l’espace de réflexion ouvert par les journées professionnelles. Enfin, il est important de créer des passerelles entre bibliothèques publiques et établissements scolaires.

Quels sont les partenaires du Village ?

Il y a les partenaires institutionnels dont, bien sûr, la Direction régionale des affaires culturelles (DRAC), le Conseil régional, le Conseil général, les bibliothèques départementales de Martinique (la Bibliothèque Schœlcher et la Bibliothèque départementale de prêt), les communes – notamment à travers les bibliothèques municipales et les crèches – et l’Éducation nationale, mais aussi l’Association des bibliothèques publiques de Martinique (ABPM). Les éditeurs sont représentés par la librairie Alexandre. Pour la presse, c’est la chaîne de télévision et radio Martinique 1re (RFO) qui relaie l’information.

Quels ont été les moments les plus marquants de l’édition 2010 ?

La table ronde autour du thème « Écriture créole et littérature de jeunesse » a été un grand moment. Nous avions comme invités Patrick Chamoiseau, auteur martiniquais et parrain de cette deuxième édition, Jocelyne Trouillot, auteure haïtienne, et Hector Poullet, auteur guadeloupéen. La journée destinée aux scolaires a connu, grâce aux rencontres avec les auteurs invités, une grande affluence. Beaucoup de monde aussi à la soirée de remise du Prix Raphaël Tardon qui a été décerné à Anique Sylvestre pour Lowitt, la grenouille qui danse (ill. Michèle Chomereau-Lamotte), en présence de son éditrice, Régine Jasor. Le spectacle tout public, « La Reine soleil », de Marie-Monique Jean Gilles a été très apprécié également.

Quelles évolutions avez-vous apportées par rapport à la première édition ?

Nous avons souhaité une ouverture vers tous les auteurs caribéens. En 2010, nous avons eu Haïti comme pays invité. Cette décision avait été prise bien avant le tremblement de terre. D’ailleurs, nous avons failli modifier notre programme à cause de cet événement. Mimi Barthélémy, par exemple, n’a pas pu venir. Mais deux auteures haïtiennes, Jocelyne Trouillot et Marie-Monique Jean Gilles, ont quand même pu faire le voyage.
Nous avons travaillé aussi à une plus grande participation des écoles et à l’élaboration d’un programme pour les enfants, notamment avec des propositions de spectacles pour les tout-petits.

Comment voyez-vous l’avenir du village ?

La situation financière de la commune est difficile aujourd’hui. Il a donc été décidé de remettre à 2013 la troisième édition. Nous continuons à croire qu’il est essentiel de montrer aux publics qu’il existe une offre de lecture spécifiquement antillaise, d’inciter à l’écriture et à la lecture de notre littérature et de donner les outils pour la connaissance et la promotion de nos auteurs de littérature pour la jeunesse.

Notes et références

1. Le premier prix Raphaël Tardon a été décerné à Les Œufs de Man Firmin de Nicole Noizet et Javie Munoz (PLB, 2006).


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