Mohieddine Ellabbad, un "grand" de la littérature de jeunesse

Hasmig Chahinian
Un homme moustachu au volant d'un tramway.

Nous avons appris avec beaucoup de tristesse le décès de Mohieddine Ellabbad, un "grand" de la littérature pour la jeunesse dans le Monde arabe, survenu le samedi 4 septembre 2010 au Caire. En hommage, nous reproduisons ici un article publié dans le n° 5 de la revue "Qira'at Saghira" قراءات صغيرة en 2008, dans un dossier consacré à l'édition jeunesse en Égypte.

 

Mohieddine Ellabbad impressionne. Le personnage est grand, il mesure près de deux mètres... Celui qui l'a surnommé "Mister millimeter", à cause de son extrême exigence d'un travail impeccable des imprimeurs, doit avoir énormément d'humour ! L'homme impressionne aussi par son talent d'illustrateur, de graphiste, par son désir de faire respecter les standards internationaux de qualité dans la production pour la jeunesse des pays arabes. Pas de concession, pas de demi-mesure, pas d'excuse : une quête toujours renouvelée de la créativité et de la perfection... Et une bonne dose d'humour.

Un précurseur de la littérature jeunesse arabe

Après avoir reçu une formation "à l'occidentale" à l'École supérieure des Beaux-Arts du Caire, Ellabbad va être l'un des premiers créateurs de livres pour enfants à poser la question de la spécificité d'un livre arabe pour la jeunesse. Dans quel sens doit s'effectuer le mouvement des personnages quand l'ouvrage se lit de droite à gauche ? Quelles sont les figures d'identification qu'on propose au lecteur ? À quel patrimoine culturel veut-on le rattacher ? La création en 1974 de la première maison d'édition pour enfants du Monde arabe, Dar al-Fata al-Arabi دار الفتى العربي dont Ellabbad est l'un des fondateurs, permettra de produire des livres, certes destinés aux enfants arabes, mais ouverts sur le monde et sur d'autres traditions culturelles, des livres qui veulent répondre aux exigences qualitatives d'Ellabbad. Une aventure trop brève, mais qui va marquer toute une génération de lecteurs, qui deviendront parfois eux-mêmes des créateurs de livres pour enfants dans les pays arabes. Ces lectures enfantines sont peut-être à l'origine du renouveau qualitatif que vit la littérature de jeunesse dans le Monde arabe depuis quelques années... Ellabbad est sûrement l'une des personnes qui ont le plus poussé la littérature de jeunesse arabe vers l'avant, en apportant un autre point de vue sur le livre, en y intégrant une nouvelle vision du monde et de l'art.

Le Carnet du dessinateur

Ce "faiseur de livres"1 est toujours en contact avec ses émotions d'enfance, ses souvenirs et ses rêves d'alors. Dans Le Carnet du dessinateur2, superbe ouvrage traduit en plusieurs langues, il nous donne les clés de son univers. Dans sa jeunesse, il rêvait d'être conducteur de tramway, nous raconte-il, lui qui n'a même pas le permis de conduire, mais il peut au moins réaliser ce rêve virtuellement, en se dessinant en conducteur... Ce "grand" de la littérature de jeunesse est d'une générosité, d'une simplicité touchantes. Reconnu dans le monde entier, il tient à faire connaître les autres illustrateurs et créateurs du Monde arabe, notamment à travers l'organisation d'expositions qui les mettent en valeur. Mais là aussi, le critère de qualité fait loi : on trie, on sélectionne, on ne montre que ce qui mérite d'être montré. Toujours cette même exigence...

Notes et références

1 - C'est ainsi qu'Ellabbad se définit.

2 - Le Carnet du dessinateur, Mohieddine Ellabbad, Mango Jeunesse / Institut du monde arabe, Paris, 1999, version bilingue.


Pour aller plus loin

Quelques liens vers des articles numérisés :


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