Kulle Ladde
Avec une couverture souple, mais sur un beau papier satiné et dans une maquette élégante, ce très bel imagier est consacré à vingt-quatre animaux de la savane en un large panorama qui va des classiques lions ou hyènes aux animaux moins connus des enfants comme l’hippotrague ou l’outarde. Il est servi par de splendides illustrations réalistes, presque photographiques ; l’environnement y est réduit à l’essentiel, de façon à mettre l’animal en valeur et à concentrer l’information. L’illustrateur, Étienne Souppart, connu pour ses illustrations d’encyclopédies, avec précision et justesse des détails, avait plongé dans la culture peule pour Les Secrets de Kaïdara publié chez Gallimard.
Le texte est en langue pulaar du Fouta Toro (parlée au Sénégal et en Mauritanie). Trois feuilles doubles apportent chacune la traduction du texte en français, anglais et pulaar du Fuuta Jaloo (parlée en Guinée et Guinée Bissau), accompagnée de vignettes reprenant les illustrations du livre.
Chaque animal se présente à la première personne, dans un bref texte, sous chaque illustration. Ce n’est pas une fiche anatomique mais plutôt une évocation des caractères essentiels de l’animal – ce peut être sa force ou son mode de reproduction ou son aspect extérieur –, tels qu’ils sont perçus localement. Les noms des animaux, par exemple, sont parlants, de façon très imagée : pour le serpent, par exemple, il fait tellement peur que les gens n’osent pas l’appeler par son nom mais le nomment « le tueur de la terre », l’éléphant est « le gigantesque ramasseur de bois », le crocodile est « le frappeur »… Lorsque c’est un animal comme le lièvre ou l’hyène, il y a une allusion au domaine des contes.
Ce livre tire sa substance de la culture peule. L’auteure qui étudie le pulaar à l’INALCO (Institut National des Langues et Civilisations Orientales, Paris) insiste bien sur le fait que les expressions utilisées pour nommer ou décrire les animaux sont celles utilisées dans la tradition transcrite dans les contes, les proverbes ou autres récits et épopées. Elle a été aidée par un professeur de peul à l’INALCO et par un griot généalogiste qui ont veillé à ce que le texte, par ses images poétiques et son vocabulaire, puisse être compris par tous les Peuls, du Sénégal au Cameroun. Le jeu des feuillets traduits permettra son utilisation par la diaspora en pays francophones et anglophones – cette publication de Timtimol, association pour la langue et la culture peules, s’inscrit dans un projet de réappropriation de la langue.
Projet intelligent dans une mise en œuvre de qualité, Kulle Ladde a reçu le prix Kadima de l’Organisation Internationale de la Francophonie qui récompense des livres édités dans les langues partenaires.
MPH