Le Retour de l’enfant soldat
De retour chez lui, le jeune Zongo n’est pas accueilli en héros, et pour cause : à la tête d’une troupe d’enfants soldats, il a pillé, tué, violé… La guerre maintenant terminée, c’est un autre combat qu’il doit mener, autrement difficile : faire comprendre à ses victimes que lui-même ne fut qu’un jouet entre les mains de ses chefs. Or Zongo, pour prouver à ses « supérieurs » qu’il méritait de garder la vie, a dû commettre des actes terribles au sein même de son village… La population n’a pas oublié et même s’il se trouve quelques personnes pour le soutenir, la plupart des villageois veulent qu’il disparaisse, quitte à se faire justice eux-mêmes.
Le passage où Zépré, 11 ans et fasciné par le parcours de Zongo, lui demande de raconter « toutes ces histoires fabuleuses […] vécues pendant la guerre » est édifiant : il permet surtout à l’auteur d’expliquer, par la voix de son héros, la manière dont les jeunes sont recrutés, drogués, brutalisés par les hommes qui les enrôlent.
François d’Assise N’Dah fait ici œuvre de pédagogie avec un thème difficile à traiter et qui divise : un enfant soldat doit-il, peut-il être jugé responsable au même titre qu’un adulte, quelles que soient les atrocités commises ? Pour l’auteur, les enfants soldats sont avant tout des enfants : certes coupables des méfaits qui leur sont reprochés, ils n’en sont pas responsables. Contrairement aux adultes qui les enrôlent de force après avoir déclenché les guerres : l’égoïsme des combattants comme l’inconscience des parents « qui mettent leurs enfants à la disposition de ces gens sans foi ni loi » sont dénoncés.
Un livre qui incite à la réflexion et à la discussion, à propos d’un phénomène ancien et, hélas plus que jamais d’actualité, pas seulement en Afrique, celui des enfants soldats et en particulier, celui de l’intégration de ces enfants une fois qu’ils sont revenus de guerre.
Un seul (petit) bémol : aucun indice, typographique ou autre, n’indique qu’une quinzaine de termes ou expressions sont regroupés en fin d’ouvrage sous le titre « Vocabulaire ». Deux autres récits pour la jeunesse parmi les œuvres de l’auteur : La Légende du coq sacrée et N’zarama, la fille étoile (Edilivre, 2008). (FC)
Ce sobre récit dédié « à toutes victimes de guerre, en particulier les enfants-soldats » raconte le retour d’un jeune au village ancestral après trois ans de guerre civile, au milieu d’un paysage dévasté. La guerre et son cortège de violences sont condamnés dès l’abord avec des mots très forts : macabre, saccade, fauve, animalité. Le personnage principal, Zango, nous est présenté par petites touches : on apprend ainsi que ce gringalet de 16 ans, 1m70, émacié, étrange, traumatisé, aux yeux hagards, ignore les raisons de la guerre (pp. 8-9). Renvoyé chez lui à la fin des combats et conscient du mal qu’il a causé aux siens lors d’une attaque, il commence par se cacher, puis retrouve sa mère. Il souffre de flashbacks et revoit les exercices de tir, les civils fusillés, les incendies, les viols, les mutilations, le groupe de jeunes guérilleros qu'il dirigeait, la mort de son meilleur camarade. Il racontera plus tard sa vie d’enfant-soldat à un enfant du primaire, représentant ici le lecteur – comment les rebelles l’ont capturé, drogué et forcé à tuer. L’ancien maître d’école intercède auprès des anciens du village en faveur de la réinsertion de Zango. Plus loin dans le roman, la réflexion se poursuit et les villageois, d’abord tentés de rejeter l’adolescent, finissent par se rendre compte qu’ils sont « tous coupables » d’avoir envoyé ces jeunes « à l’abattoir » (p. 29). Les jeunes du village organisent une battue et se saisissent de Zango, qui n’est sauvé que par sa cousine et la fille du chef. Trois mois plus tard, il reprend le chemin de la classe et offre chaque jour son aide aux villageois. Comme tout cela ne suffit pas à les persuader, il finit par confronter le conseil des anciens, exigeant d’être réintégré, mais le chef lui tire dessus et le blesse. Comme le démontre le procès qui suit, « la question qui se pose ici est celle de savoir si des enfants, entraînés dans une guerre par les adultes, doivent être tenus pour responsables de leurs actes. Que disent les conventions internationales ? » (p. 90) Le procès, qui occupe dix pages du roman, est l’occasion pour l’auteur de se pencher sur tous les aspects de la question : les exactions de l’enfant-soldat, la responsabilité des adultes dans le recrutement de ces jeunes, le traumatisme qui leur est infligé, la violence qui est maintenant faite à l’enfant du pays au sein de sa propre communauté, et la nécessité de l’aider à reconstruire sa vie. Ce procès devient celui de la guerre et va encourager la communauté à se souder. Zango est acquitté, reprend l’école et devient un modèle pour les jeunes, non plus pour ses méfaits d’autrefois mais pour son zèle au service de la communauté. C’est là un récit bien mené, dont les illustrations font ressortir les articulations et qui met l’accent sur la responsabilité communautaire dans la réinsertion de ces jeunes. Sur la question de la guerre et des enfants soldats dans la littérature africaine de jeunesse, on peut lire « Guerre et littérature africaine de jeunesse ». (FU)
FC et FU