Svenska barnboksinstitutet, valoriser et étudier la littérature de jeunesse au pays d’Astrid Lindgren

Propos recueillis par Corinne Bouquin Traduit par Corinne Bouquin
Photographies de Sara Lafolie et d'Amanda Idberg

Fondé en 1965, le Svenska barnboksinstitutet s'efforce de consolider le statut des livres pour enfants et d'améliorer la connaissance de la littérature d'enfance et de jeunesse.

Pour présenter cet Institut qui a des missions proches du Centre national de la littérature pour la jeunesse mais différentes et complémentaires nous avons choisi de donner la parole à Sara Lafolie, bibliothécaire et Amanda Idberg, responsable de la communication.

 

Quelles sont les missions de votre Institut ?

Escaliers et porte d'entrée du Svenska barnboksinstitutetSara Lafolie : La mission principale de Svenska barnboksinstitutet est de lancer des projets de recherche, d'organiser des conférences, des ateliers et des séminaires, et de gérer une bibliothèque spécialisée. Une autre de nos missions est de publier des articles et des critiques, ainsi qu'une série de monographies, et de communiquer sur la recherche par le biais de bulletins d'information et de médias sociaux.

L'Institut promeut activement la littérature d'enfance et de jeunesse en organisant des conférences, en participant à des échanges et à des débats et en partageant ses connaissances dans les médias. Nous collaborons également avec d'autres acteurs dans ce domaine, tant au niveau national qu'international.

Notre bibliothèque de recherche comprend 130 685 références. Les chercheurs, les étudiants et les autres personnes intéressées peuvent consulter cette vaste collection composée de livres pour enfants et d’un très grand nombre d'ouvrages théoriques dans ce domaine. Notre fonds comprend également plusieurs collections spéciales et d'autres documents d'archives. Ce qui rend le Svenska barnboksinstitutet unique, c'est l'environnement de recherche qu'il offre, les connaissances approfondies des personnes qui y travaillent et l'accessibilité de la littérature.

Nous recevons de l'argent de l'État. Notre président du conseil d'administration est choisi par le gouvernement. Nous avons donc des missions très claires, qui sont précisées sur le site web.

L'Institut suédois du livre pour enfants est l'une des universités et organisations approuvées en tant qu'administrateurs par Forte, Riksbankens Jubileumsfond et Vetenskapsrådet. Cela signifie que les chercheurs ont la possibilité de localiser des projets de recherche à l'institut lorsqu'ils font une demande de financement auprès de ces organismes de financement de la recherche.

La mission de l’Institut est principalement de promouvoir et de soutenir l'étude et la recherche sur le sujet de la littérature d'enfance et de jeunesse. L'institut est un lieu de rencontre pour les chercheurs suédois, mais aussi un espace pour établir des contacts internationaux dans ce domaine spécialisé qu'est la recherche en littérature jeunesse.

Une autre de nos missions est d'accroître la connaissance et la compréhension de la littérature et de la culture pour enfants parmi les enseignants, les bibliothécaires, les journalistes et d'autres personnes. Notre mission est large et ne se limite pas à la recherche et au domaine académique. Dans le domaine universitaire, nous recevons à la fois des étudiants et des chercheurs.

D'une certaine manière, notre mission est de renforcer le statut de la littérature pour enfants. Chaque année, nous encourageons la recherche par le biais de séminaires et de programmes de recherche.

Amanda Idberg : Mon rôle est de reprendre ce que les chercheurs produisent et d'attirer l'attention sur ce que nous faisons. Inviter les gens à utiliser nos ressources, nos programmes et nos cours.

Une autre de vos missions est de rassembler la littérature pour enfants publiée chaque année. Combien de titres référencez-vous chaque année ? Et combien de personnes pour réaliser ce travail ?

S.L. : Nous ne faisons pas de travail de référencement en dehors des titres présentés dans les Bokprovningen comme exemples de thèmes mentionnés. Nous les cataloguons tous avec des rubriques thématiques.

L'une de nos missions les plus importantes consiste à rassembler toute la littérature suédoise pour enfants publiée, à la cataloguer et à lui attribuer des sujets, des rubriques thématiques, et ce chaque année. Nous travaillons dans la bibliothèque et avec le département de la communication. C’est un travail à la fois sociologique et prospectif. Nous ne faisons pas de recommandations de qualité, nous nous intéressons surtout aux thématiques représentées dans la littérature de jeunesse. Nous voyons aussi ce qui est traduit, à partir de quelles langues, ce qui n'est pas traduit.

Nous repérons également ce qui est publié pour les jeunes et nous voyons aujourd’hui beaucoup de lectures faciles.

L'année dernière, les statistiques les plus frappantes montraient que moins de livres étaient traduits en suédois (68 % étaient écrits en suédois) et qu'il existait un marché important pour les albums suédois ainsi que pour les ouvrages documentaires. Les livres pour enfants et adolescents sont fortement liés à ce qui se passe dans la société ou en sont le reflet, avec des thèmes comme l'écocritique et, désormais la guerre. Les thèmes les plus fréquents en 2022 étaient la mythologie nordique dans le domaine de la fantasy et de l'horreur, les jeux vidéo, ainsi que les super-héros. Par ailleurs nous voyons toujours beaucoup de livres sur les animaux, l'école, la famille, l'identité (questions de genre, etc.), les amitiés, le sport et la fantasy.

A.I. : Nous n'avons pas terminé, nous continuons à collecter jusqu'à la fin du mois de février. Il s'agit de 2000 livres environ, 2204 en 2022. Quatre personnes travaillent ensemble pour ces lectures, ce qui est un nombre important par rapport à l’équipe.

S.L. : Nous lisons tous les livres traduits en suédois, tous les romans de même que les BD publiées en albums. Il y a quelques mangas dans les collections de l'institut. Il existe peu de traductions de mangas publiées en suédois, mais de nombreuses bibliothèques achètent également des mangas en anglais.

Nous nous limitons aux livres publiés en Suède ; ils peuvent être publiés dans d'autres langues mais en Suède. Nous ne collectons pas les livres publiés en suédois dans d'autres pays. Nous avions l'habitude de le faire, mais c'est un processus assez compliqué, et aujourd'hui cette mission revient à la Bibliothèque royale.

A.I. : On estime que 250 personnes regardent l'événement en direct le jour où nous publions le rapport. Nous l'organisons avec des orateurs invités sur différents sujets.

Le public est composé à 98 % de Suédois, mais aussi de personnes venues d'autres pays, comme la Corée du sud l'année dernière.

La conférence est accessible à tous, mais en suédois. Nous organisons d'autres conférences et, l'année dernière, nous sommes allés à Malmö, dans le sud de la Suède. Nous voulons toucher les bibliothécaires qui ne peuvent pas se rendre à Stockholm. Nous participons également à des foires telles que les foires du livre de Lund et de Göteborg.

Nous les diffusons, les enregistrons et les publions sur notre page Youtube ou sur notre site web. Des groupes viennent également visiter la bibliothèque parce que nous présentons tous les livres que nous avons lus. En 2023 1600 visiteurs se sont connectés. Sbi play diffuse des conférences filmées, des interviews, des discussions, des débats et d'autres programmes organisés par l'Institut suédois du livre pour enfants.

S.L. : Tous les livres que nous collectons nous sont donnés, c’est important pour nous et nous sommes très heureux que les éditeurs ou les écrivains qui ont leur propre société, le fassent. Même les auteurs-éditeurs nous donnent un exemplaire pour ce fonds, pour le bien de la recherche, mais nous essayons toujours d'être neutres.

Nous avons aussi de la littérature critique, des livres pour la recherche, c'est complètement différent. Ces livres théoriques, littérature de recherche et livres académiques, pour les étudiants sont achetés. Ce sont deux types de livres et d’entrées dans nos collections.

Une autre de vos missions concerne les projets de recherches.

A.I. : En effet,  les chercheurs peuvent nous confier leurs financements et leurs bourses. Nous pouvons réaliser ces grands projets avec des fondations externes, mais nous ne disposons pas de fonds propres pour soutenir des projets de recherche.

L'un de nos principaux projets de recherche actuels porte sur Astrid Lindgren-Koden.

Le processus d'écriture d'Astrid Lindgren est mythique. La raison principale en est qu’elle écrivait et éditait ses manuscrits en sténographie.

Le projet Astrid Lindgren-Koden réunit des compétences issues des études littéraires, de l'informatique et de la sténographie professionnelle afin d'interpréter la sténographie de Lindgren à l'aide de méthodes numériques, en particulier la reconnaissance de texte manuscrit (HTR) et la science citoyenne, où les experts en sténographie seront invités à participer par le biais de la collecte de données (crowdsourcing).

Page d'un manuscrit d'Astrid Lindgren

 

Notre objectif est de générer de nouvelles connaissances sur l'autrice de renommée mondiale, Astrid Lindgren grâce à la première étude de son manuscrit original, et de contribuer au développement méthodologique général pour l'analyse des documents manuscrits.

C'est un projet très intéressant, très visuel et collectif. Nous décodons ses manuscrits écrits en sténographie en utilisant à la fois la technologie moderne de l'IA et les compétences de sténographes retraités qui ont rassemblé des sources. Le mystère des manuscrits d’Astrid Lindgren est ainsi résolu ensemble. 

La plupart des partenaires étaient des secrétaires dans leur jeune temps, ils ont partagé leurs expériences de l’époque. Et aujourd'hui des jeunes s'intéressent à la sténographie. 

Nous n'avons qu'un seul manuscrit, le Best of Karlson (1968), dont nous possédons l'original, les autres étant conservés à la Bibliothèque royale. Dans le cadre de ce projet, les chercheurs ont principalement travaillé sur The Brothers Lionheart. Ce projet est à présent terminé et sa responsable, Malin Nauwerck, écrit actuellement un livre sur le sujet.

Qu'en est-il du projet de la bibliothèque Saga ?

Le projet Astrid Lindgren-koden est presque achevé, mais pour le projet Saga, nous avons reçu un nouveau financement, et nous sommes donc sur le point de le poursuivre. 

Ce projet se concentre sur la série de publications Barnbiblioteket Saga, qui explore l'importance de la Barnbiblioteket Saga, l'une des plus grandes initiatives suédoises de promotion de la lecture.

Le projet Barnbiblioteket Saga's Archive porte sur cette série de livres suédois pour enfants publiés entre 1899 et 1970.

Les jeunes d'aujourd'hui ne les connaissent pas, mais si vous en parlez aux personnes de notre âge ou plus âgées, elles reconnaissent ces livres à la reliure rouge.

Livres à reliure rouge - Barnbiblioteket Saga

Le projet vise à développer une stratégie de numérisation de la collection et à étudier la création, la gestion et la diffusion d'un patrimoine littéraire pour les enfants. Douze chercheurs de huit universités suédoises participent à ce projet administré par Sbi.

De nombreux chercheurs s'intéressent à la matérialité des livres, mais nous avons également les archives de l'éditeur, la correspondance, c'est donc un projet différent.

Ils construisent une base solide , avec de nombreuses métadonnées sur les livres, parce qu'il y a beaucoup d'éditions différentes, ainsi que des archives et des matériaux, une très belle présentation de la collection, plus accessible pour les chercheurs et le public.

C'est vraiment intéressant, parce que c'est devenu un moyen de promouvoir la lecture au 20e siècle, avec des livres de qualité, des illustrations, c'est une belle histoire. Ces livres n'étaient pas trop chers pour atteindre les enfants dans les écoles des petits villages et les enfants les plus pauvres des petits villages. C'était un excellent moyen de diffuser la littérature auprès de tous les enfants, et ce fut un succès. La collection est devenue très populaire.

Un groupe de travail s'est formé autour de ce projet, en liaison avec des personnes employées par l'institut et par des universités.

Par ailleurs, le Svenska barnboksinstitutet's dirige le projet "L'histoire de la littérature suédoise pour l'enfance et la jeunesse". Ce projet vise à fournir une nouvelle présentation historique de la littérature d'enfance et de jeunesse de 1300 à 2010, en mettant l'accent sur les transformations, la fonction et l'importance de cette littérature au cours des siècles.

Contrairement au reste de la région nordique, la Suède ne dispose pas d'ouvrage de référence majeur dans ce domaine, ce qui rend ce projet particulièrement important, notamment pour l'enseignement universitaire dans le domaine des études littéraires et pour les programmes de formation des enseignants. Le projet est en cours depuis 2009 et se trouve à présent dans sa phase finale.

Le projet a été financé par la Fondation Torsten Söderberg, l'Académie suédoise, la Fondation Åke Wiberg, la Fondation Olle Engkvist et la Société royale patriotique. Les deux volumes seront publiés cette année.

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