Grand-père Ouidi au Sahel
« Grand-père Ouidi a eu plusieurs vies, exercé de nombreux métiers, visité quantité de pays en restant toujours attentif aux jeunes et prêt à leur offrir sourires, encouragements et conseils avisés. […] Ces voyages ont permis à Grand-père Ouidi de réunir mille et un récits. Durant la belle saison, quand les orages et les coups de tonnerre ne s’abattaient pas sur le village, nous étions impatients, à la tombée de la nuit, de courir sous le grand baobab pour l’écouter. […]
Les histoires qu’il racontait éclairaient soudain la nuit en même temps qu’elles nous illuminaient. C’est pour cette raison qu’on l’avait surnommé ”Soleil noir“. »
Eugène Ébodé, dans un style enlevé, nous entraîne dans les récits de Grand-père Ouidi, récits souvent un peu loufoques et toujours pleins d’humour, où se croisent un notable imbu de lui-même et son âne récalcitrant, un garnement cruel et des chèvres rusées, un chaton blanc et le guépard auquel il tient tête, un papayeur (cultivateur de papaye) et une jeune fille blanche et mystérieuse qui seront réunis par un coup de tonnerre, pour ne pas dire de foudre… Sans compter Jean-François, l’objecteur envoyé en Afrique pour le punir d’avoir désobéi aux règles et refusé d’aller à la guerre, et auquel le village reconnaissant offre, la veille de son départ en avion, deux vaches qu’il promet de venir chercher plus tard et qui depuis ce jour paissent dans le premier champ à l’entrée du village « régulièrement remplacées, car lorsque Jean-François reviendra, il faut qu’il les trouve et que l’honneur du village soit sauf ».
Situations cocasses, langue savoureuse, vision acérée frisant la critique sociale, ce livre plein de clins d’œil, à la mise en page et aux illustrations sobres et élégantes, sera certainement autant apprécié par les adultes que par les plus jeunes.
Il faut saluer le travail de la jeune maison d’édition Africamoude, qui se présente comme « une maison d’édition panafricaine au Maroc » avec pour objectif de participer à la dynamisation du secteur du livre en Afrique à partir du Maroc. Son nom est une contraction de « Africa » et de « amoude » qui, en amazigh, signifie les « graines ». Africamoude renvoie ainsi « aux graines de pensée qui font livres, aux graines de mots qui donnent phrases, aux graines du savoir qui rendent compte de nos cultures riches de leurs héritages séculaires ». Saluons également le choix de donner la parole, dans l’une de ses premières publications, à un auteur d’Afrique sub-saharienne.
MW