Cargaison mortelle à Abidjan
En relatant l’histoire de ce navire qui, en 2006, déchargea sa cargaison de « déchets hautement toxiques » dans le port d’Abidjan, le Camerounais Japhet Miagotar réussit à montrer l’un des côtés les plus négatifs de la mondialisation : un bateau russe, une compagnie grecque, un affréteur néerlando-suisse… et des victimes ivoiriennes ! Cette « cargaison mortelle » aura causé « la mort de 17 personnes et l’intoxication de plusieurs milliers d’autres ». Les relations Nord/ Sud n’en sortent pas grandies, mais le lecteur, lui, referme l’ouvrage mieux informé et plus conscient de l’iniquité de ces liens. Japhet Miagotar apporte cependant une touche positive, en faisant intervenir une mystérieuse femme qui rendra justice. Justice qui a, dans la réalité – et cela est fort justement précisé dans l’avant-propos –, épargné les commanditaires. L’appartenance de cette redresseuse de torts à une société secrète rappelle l’une des traditions bien connue de l’Afrique subsaharienne : l’initiation, indispensable pour entrer dans une confrérie et accéder à des connaissances occultes. Ce personnage permet ainsi à l’auteur de corriger, sur le papier, la (réelle) loi des hommes…
Si la couverture de cette bande dessinée est à l’image de celle de l’album Coke en stock de Tintin, le style des planches n’a rien à voir avec la ligne claire : innovant, très graphique, avec des dessins de personnages épurés, aux lignes géométriques, puisant leur force dans une autre tradition, celle de « la statuaire africaine en général et fang en particulier » (voir l’article de Marie Laurentin, « Illustration africaine : les empreintes du patrimoine », dans le dossier 2013 de Takam Tikou et l’entretien de J. Miagotar avec Christophe Cassiau-Haurie dans Africultures). Une vraie réussite, qui devrait ravir les adolescents comme les adultes.
Fatou Camara