Un Toubabou au Mali
La collection « Volubile : une aventure dans un lieu imaginaire ou réel », où sont parus entre autres des textes de Jean-Yves Loude et de Michel Piquemal, propose le premier roman d’Arnaud Rodamel, bibliothécaire qui a fait plusieurs voyages en Afrique de l’Ouest. Comme l’indique le titre, Un Toubabou [ou Toubab : Blanc] au Mali, le thème de ce roman très intéressant est la relation entre Européens et Africains – en l’occurrence, entre Français au Mali et Maliens – et, au-delà, la question de la rencontre de points de vue différents. Il raconte le séjour de quelques semaines de Victor, en visite chez une famille amie au village de Madiakoye, près de Tombouctou : son arrivée, la vie au quotidien, un voyage par le fleuve Niger, une attaque par des Touaregs pour le kidnapper (AQMI est mentionnée, et l’épigraphe souhaite « que la situation dans le Nord du Mali connaisse une fin heureuse »), enfin, son retour en France.
Boubacar, 13 ans, collégien, neveu du chef de famille, raconte à la première personne le séjour de Victor, ainsi que les débuts de ses premières amours. Le choix du narrateur prouve, en quelque sorte, les efforts de l’auteur pour comprendre les Maliens de l’intérieur et pour leur donner la parole… C’est un tout cas un exercice périlleux, dont le résultat ne saurait être « parfait » – par exemple, citons ce détail : une dame agite un bout de carton « comme une Espagnole agite un éventail », une comparaison peu probable de la part d’un jeune Malien… Mais l’auteur s’en tire honorablement.
Si la question du kidnapping, ainsi qu’un épisode autour d’une vielle femme malade, apportent de l’action, le vrai climax du roman est la discussion franche entre Victor et Boubacar sur leur relation : la phrase de Victor, « Tu t’es toujours posé inférieurement par rapport à moi », est suivie d’une explication et d’une critique du comportement des « nouveaux colons »… Victor n’y appartient pas d’ailleurs : lui, « il reste à sa place » et « à trop vouloir être positif il exagère souvent »... Mais dit quand même que « l’immobilisme [le] révolte »… Le livre se clôt sur la tristesse de la séparation, dans l’harmonie de l’amitié reconnue comme profondément bonne pour tous. À remarquer : la valeur documentaire de ce roman qui « fait entrer » le lecteur dans une concession pour y découvrir la vie domestique, les manières de faire, les codes de comportement, les gestes pour l’eau… À remarquer aussi les prises de position claires et nettes de l’auteur : « les Européens sont l’exemple à ne pas suivre », l’argent « on le gagne en travaillant durement, pas en jouant au ballon ! », ou encore, « il faut fabriquer sur place au lieu d’envoyer des containers »…
Bien écrit, agréable à lire, un roman sensible, délicat, plein de respect et d’affection pour le Mali.
Viviana Quiñones