Le Baiser mauve de Vava
Après Je suis fou de Vava et La Fête des morts, Dany Laferrière et Frédéric Normandin mettent une nouvelle fois en scène Vieux Os, sa grand-mère Da et Vava sa bien-aimée, qui souffre ici de la fièvre. Le contexte sombre de la dictature est d’emblée posé par cette phrase, en exergue : « La dictature, c’est le Monstre qui empêche un garçon de dix ans de visiter son amoureuse qui a la fièvre ». Le texte et les images y font allusion (« il se passe des choses graves »), même si le gai quotidien parvient à surgir à travers les scènes du marché ou du goûter après l’école, et grâce à tous les animaux qui ponctuent l’image et dont la liberté n’est pas menacée. Le plus intéressant est sans doute la manière dont l’extérieur, ce qui se passe dans la ville, et l’intérieur, ce qui se passe dans le cœur du petit garçon, se font écho, et dont l’enfant perçoit par des chemins détournés ce que les adultes ne lui disent pas. L’ensemble oscille entre le conte (l’histoire de la Belle au bois dormant apparaît en filigrane, discrètement soufflée par les illustrations) et le récit réaliste. Au fil des images riches en couleurs, aux angles de vue variés et où le mauve revient régulièrement, l’illustrateur parvient à rendre présente la jeune malade bien que le héros soit loin d’elle. Le texte a manifestement un caractère autobiographique : Dany Laferrière, né en 1953 à Haïti, a grandi à Petit-Goâve avec sa grand-mère et il a rejoint sa mère à Port-au-Prince en 1964, l’année où François Duvalier se proclame président à vie. Et Vieux Os, comme l’écrivain, trouve un moyen de s’exprimer dans l’écriture.
CL