L’île Maurice racontée à mes petits-enfants
Drôle d’histoire éditoriale que celle de cette bande dessinée. Le texte de Jean-Claude de L’Estrac, écrit aux lendemains des émeutes de février 1999 à Maurice, paraît d’abord dans la presse. Il appelle à la tolérance et raconte, sous forme de fausses adresses aux enfants, l’histoire métissée et complexe de Maurice qui s’est nourrie de plusieurs vagues successives d’immigrations, qu’elles soient forcées ou volontaires. Puis, Eric Koo-Sin-Lin, dessinateur mauricien parti depuis s’installer en Australie, propose une première et très réussie version sous forme de bande dessinée. Alors que ce livre est épuisé depuis longtemps, les éditions du Printemps, qui ne publient habituellement ni littérature de jeunesse ni bande dessinée, décident de lancer une nouvelle édition dont l’illustration est confiée à Pov.
Cette deuxième aventure s’avère très intéressante. D’abord parce que Pov est un grand dessinateur de presse qui puise son inspiration quotidienne aux sources de l’observation sociale et de l’Histoire (voir son entretien dans notre dossier annuel consacré à la bande dessinée). Ensuite, parce qu’avec la publication de ses premières bandes dessinées, on découvre un auteur fasciné par les liens entre la fiction et la réalité. Cela explique l’aisance avec laquelle Pov répond en images au ton du texte de Jean-Claude de L’Estrac qui souhaite expliquer sans moraliser, donner des clés sans asséner une vérité, tout en portant son propre regard sur une société qu’il connaît bien (il y vit) mais à laquelle il reste étranger (il est malgache).
La mise en couleurs n’est pas sans nous rappeler le style d’Henry Koombes, auteur et illustrateur de la série Tikoulou, véritable phénomène éditorial à Maurice. D’ailleurs, L’Île Maurice racontée à mes petits-enfants a rencontré un succès semblable à celui remporté par Tikoulou, avec plus de cinq rééditions à ce jour… (ALC)