Un auteur pour la jeunesse au congrès régional d’IBBY à Sharjah
En août 2012, durant le Congrès d’IBBY à Londres, j’ai été invitée, en tant que membre de LBBY (IBBY Liban), à participer à une réunion des sections nationales d’IBBY de la région Asie Centrale et Afrique du Nord (CANA). Les graines du premier congrès IBBY de la région CANA ont été plantées à ce moment-là. L’organisatrice allait être la section émirienne d’IBBY basée à Sharjah. Le titre du congrès a été choisi, des idées enthousiastes concernant la mise en place ont été proposées. Je me disais, au fond de moi, que tout ceci était bien beau, mais est-ce que cela pouvait réellement avoir lieu dans un futur proche ?
Je n’ai pas eu à attendre longtemps avant d’avoir une réponse. Mes interlocutrices (la plupart était des femmes) avaient pris leur décision, et juste après la fin du congrès international d’IBBY et notre retour à la maison, UAEBBY, la section émirienne d’IBBY, a mis son plan à exécution. Nous avons commencé à recevoir des mails nous informant des progrès du projet. Peu de temps après, un appel à contributions était lancé et les dates limites de remise des propositions fixées.
Moins d’un an plus tard, les 21 et 22 avril 2013, nous étions là, plus de quarante intervenants et participants de vingt pays d’Asie Centrale et d’Afrique du Nord, réunis pour échanger des expériences, des recherches et des points de vue sur le thème du congrès de CANA : "Bringing Children and Books Together".
J’ai retrouvé des personnes connues du monde du livre pour la jeunesse, et j’ai eu la possibilité de rencontrer de nouvelles personnes qui partagent la même passion : favoriser l’amour des livres et améliorer l’accès à la littérature de qualité.
Deux jours d’interventions, de présentations, de tables rondes ont permis de mettre à jour les principaux défis du domaine. La variété des expériences partagées durant le congrès était impressionnante. Rawan Brakat de Jordanie, fondatrice de Raneen (livres-audio pour enfants) a parlé de l’utilisation des livres-audio comme outil éducatif. Elle a mis l’accent sur l’importance d’un enregistrement de qualité, où les acteurs et les conteurs professionnels lisent les histoires accompagnées de musique. La musique, pour les déficients auditifs, crée l’ambiance du livre et remplit le rôle des illustrations. Amina Alaoui, créatrice du Carrefour des Arts au Maroc, spécialisé en art et en livres pour enfants, a parlé de l’importance de la préservation de l’héritage culturel à travers les livres pour enfants. Philippe Claudet, directeur des Doigts qui rêvent, a abordé les méthodes de fabrication et de production des livres tactiles pour les enfants aveugles ou malvoyants. Le texte est écrit en Braille et en gros caractères, et les illustrations tactiles sont constituées de collages de tissus et de mises en relief. Nabeela Hassan de Gaza, coordinatrice du programme de littérature pour la jeunesse à l’Institut Tamer, a présenté les activités mises en place pour la promotion de la lecture dans les conditions difficiles des Territoires occupés. Rabeea Al-Nasser a parlé du House of Tales and Music de Jordanie, un centre pour les enfants défavorisés, où des activités autour du conte, du théâtre, de la musique et de l’art sont proposées aux enfants. De nombreuses autres présentations impressionnantes étaient au programme, et ont donné à chacun un large aperçu de l’état des lieux de la littérature pour la jeunesse dans la région CANA, et des efforts que les personnes et les organisations entreprennent pour favoriser l’amour de la lecture.
Deux tables rondes étaient organisées, auxquelles j’ai participé. Dans la première, nous avons abordé le sujet de l’écriture pour un public adolescent, et les défis auxquels nous, les auteurs, devons faire face. Noura al Noman des Émirats arabes unis, Randa Abdel Fattah d’Australie et moi-même avons échangé nos points de vue sur l’écriture en direction de cette tranche d’âge difficile. Les auteurs doivent trouver la manière de rompre des tabous et des stéréotypes associés à cette tranche d’âge pour améliorer l’œuvre littéraire qui leur est adressée. Nous devons nous concentrer sur les changements d’ordre psychologique, mental, physique et social que les adolescents vivent, et traiter ces sujets dans nos textes. La seconde table ronde concernait la politique dans les livres pour enfants. Jehan Helou de Palestine, Najla Bashour du Liban, Patricia Aldana du Canada, Dalia Ibrahim d’Égypte et moi-même avons traité de la question de la présence constante de la politique dans les livres pour enfants, que nous, auteurs, en fassions le choix conscient ou pas. Les droits des enfants, les relations avec les parents, la fratrie et les amis, le vécu des expériences de guerre, la rébellion contre l’autorité, sont autant de thèmes qui entrent dans le domaine de la politique. Il faut noter ici que les illustrateurs jouent aussi un grand rôle dans la mise en valeur des idées politiques, à travers leurs choix de couleurs, de motifs, d’éléments et d’autres caractéristiques des personnages.
Les organisateurs du Congrès de CANA ont fait un très bon travail en offrant aux participants toutes les informations nécessaires, ainsi qu’un hébergement confortable et des moyens de transport. Même si les temps d’échanges avec le public étaient très limités, à cause du grand nombre d’interventions, les discussions parallèles qui se sont tenues entre les participants ont été, à mon avis, aussi enrichissantes que le Congrès lui-même. Je dis toujours que les voyages professionnels sont comme un coffre à trésor : on y va ayant préparé sa propre participation, mais sans savoir à quoi s’attendre et qui rencontrer. À la fin, on repart avec un cœur rempli de nouveaux amis et de nouvelles idées qui viennent rafraîchir notre regard sur ce domaine.
Le Congrès CANA était très riche et très enrichissant ; j’en suis revenue avec beaucoup d’idées concernant mon travail en tant qu’auteur pour enfants et adolescents dans le Monde arabe. J’attends avec impatience le prochain Congrès qui se tiendra en 2015, pour rencontrer d’autres auteurs pour enfants et des experts et chercheurs de littérature pour la jeunesse, qui vont partager avec nous leurs découvertes et leurs idées dans ce domaine.
Comme l’a dit Ahmad Redza Ahmad Khairuddin, Président d’IBBY, « Nous partageons le même objectif, de s’assurer que chaque enfant ait le droit et la possibilité de devenir un lecteur, et c’est un objectif que nous ne pouvons atteindre qu’en travaillant ensemble ».
Que le livre soit lu, écouté, touché, senti, son rôle le plus important est de toucher nos cœurs.