Entre histoires et histoire : l'Afrique racontée aux enfants
Comme l’écrit Pierre Kipré, qui nous fait l’honneur d’introduire le dossier, il est question de se demander comment « permettre aux enfants de renouveler leur regard sur le passé, les sociétés et les civilisations du monde africain » alors même que le continent a « longtemps été regardé comme sans histoire autre que celle de ses rapports souvent tragiques avec les autres ». Si les manuels d’histoire sont les outils d’une transmission de l’histoire pour les enfants, ils ne sont pas les seuls et la littérature de jeunesse africaine s’inscrit elle aussi dans le temps de l’histoire par ses récits fictifs ou documentaires. En littérature de jeunesse, les personnages historiques ont une large place et posent la question de sources parfois lointaines et légendaires ou bien au contraire très récentes.
C’est le cas de la collection « Lucy » des éditions Cauris qui propose des biographies historiques pour les enfants. Un entretien de Kidi Bebey qui a dirigé la collection revient sur cette aventure : la production d’albums de jeunesse documentaires. Par ailleurs, une étude très illustrée de la collection est proposée par Elisa Borghino. Un entretien avec Odile Goerg, africaniste et autrice d’un documentaire destiné aux adolescents sur l’histoire africaine, relève l’importance et la complexité de la notion de personnage en montrant comment elle a choisi d’alterner dans son livre personnages historiques et personnages génériques comme les tirailleurs sénégalais, les Signares ou les Nanas Benz. Elle s’attache aussi aux particularités de l’historiographie africaine pour souligner le temps long de cette histoire perceptible par l’existence de l’archéologie africaine.
La question du récit se pose en effet dans le documentaire de même que la question de l’histoire se pose dans le récit fictif. Merveilles Mouloungui analyse ainsi la place de l’histoire dans les romans historiques de Véronique Tadjo en définissant « une manière africaine de raconter » à travers cet exemple d’une autrice jeunesse reconnue tandis que Nadia Dangui s’intéresse quant à elle à la place de l’histoire de la jeunesse dans la littérature de jeunesse ivoirienne. À l’échelle d’un pays, Françoise Ugochukwu parle de la difficulté de transmettre l’histoire au Nigeria. L’entretien avec le bédéiste Koffivi Mawuto Assem clôt le dossier en évoquant l’afrofuturisme et la question d’un récit de l’Afrique au futur.